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La lance de Saint Georges

La lance de Saint Georges

Titel: La lance de Saint Georges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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passer pour un Écossais auprès des gens
ordinaires, mais, dans l’entourage du duc, il peut se trouver des personnes qui
sont allées dans le pays.
    Elle aplanit un pli sur sa robe de velours rouge.
    — Attendez-moi ici, dit-elle à Thomas, et je vous
enverrai un message par l’intermédiaire de Pierre, peut-être même un peu
d’argent. Je suis sûre que le duc va se montrer généreux. Je demanderai un
sauf-conduit pour vous. Quel nom faut-il donner ? Un nom écossais ?
ou simplement le moine Thomas ?
    Elle se tourna vers son fils :
    — Dès qu’il te verra, il ouvrira sa bourse, tu ne crois
pas ? Bien sûr qu’il le fera !
    Pierre parvint à hisser l’armure sur son épaule sans tomber
et Jeannette prit la main de son fils.
    — Je vous enverrai un message, promit-elle à Thomas.
    — Que Dieu te bénisse, mon enfant, dit Thomas, et que
saint Guinefort veille sur toi.
    Jeannette fronça le nez à la mention de saint Guinefort dont
elle avait appris de la bouche de Thomas qu’il était en réalité un chien.
    — Je ferai confiance à saint Renan, dit-elle d’un ton
de reproche.
    C’est sur ces mots qu’elle partit. Pierre et sa femme la
suivirent, et Thomas resta dans la cour, offrant sa bénédiction aux valets
d’écurie, aux chats errants et aux garçons de salle. « Si tu es
suffisamment fou, lui avait dit ton père, ou bien on t’enfermera, ou bien on
fera de toi un saint. »
    La nuit tomba, froide et humide, avec des coups de vent qui
mugissaient dans les tours de la cathédrale et bruissaient dans la paille de la
taverne. Thomas réfléchit à la pénitence que le père Hobbe avait exigée.
    Était-ce vraiment la lance qui avait percé les écailles du
dragon, traversé ses côtes et déchiré un cœur où coulait du sang froid ?
Il pensait que c’était bien celle-là. Son père l’avait cru, et bien qu’il ait
sans doute été fou, il n’était pas un imbécile. Et puis la lance paraissait
vieille, tellement vieille ! Autrefois, Thomas avait l’habitude de prier
saint Georges, mais il ne le faisait plus et, à cette pensée, il se sentit
coupable. Il se mit à genoux à côté du chariot pour demander au saint de lui
remettre ses péchés, de lui pardonner d’avoir tué l’écuyer et de s’être déguisé
en moine. « Je ne veux pas être mauvais, dit-il au tueur de dragon, mais
il est si facile d’oublier le ciel et les saints. Si vous le voulez, je
retrouverai la lance, mais vous devez me dire ce que je dois en faire. »
Fallait-il la rapporter à Hookton, lequel, pour autant qu’il le sût, n’existait
plus ? Ou fallait-il la rendre à celui qui la possédait avant que son
grand-père ne la vole ? D’ailleurs, qui était ce grand-père ? Et
pourquoi son père se cachait-il de sa famille ? Et pourquoi la famille
voulait-elle que ce soit lui qui rapporte la lance ? Thomas n’en savait
rien. Pendant les trois dernières années, il ne s’en était pas soucié, mais
voici que soudain, dans cette cour de taverne, il brûlait de curiosité. Il
avait une famille quelque part. Son grand-père avait été un soldat et un
voleur, mais qui était-il ? Il fit une autre prière à saint Georges pour
qu’il lui permette de le découvrir.
    — Vous priez pour la pluie, mon père ? demanda
l’un des garçons d’écurie, je crois qu’elle va venir. On en a bien besoin.
    Thomas aurait pu manger dans la taverne, mais il se sentit
brusquement nerveux à la pensée de cette salle où les soldats du duc et leurs
femmes chantaient, se vantaient et se querellaient. Il ne pouvait pas non plus
affronter les soupçons du rusé tavernier. L’homme s’étonnait que Thomas n’aille
pas dans un monastère et s’étonnait encore plus qu’un religieux voyage avec une
jolie femme. « C’est ma cousine », avait expliqué Thomas, et l’homme
avait fait semblant de le croire. Mais Thomas n’avait aucun désir de répondre à
d’autres questions, aussi resta-t-il dans la cour, dînant de pain dur,
d’oignons et d’un bout de fromage sec, la seule nourriture qui restât dans le
chariot.
    Quand il se mit à pleuvoir, il fit retraite à l’intérieur du
véhicule et écouta les gouttes frapper la bâche. Il pensait à Jeannette et à
son petit garçon, à qui l’on offrait des douceurs sucrées sur des plats
d’argent avant de les faire dormir entre des draps de lin dans une chambre à
coucher garnie de tapisseries. Il se mit à s’apitoyer sur lui-même. Il était

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