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La lance de Saint Georges

La lance de Saint Georges

Titel: La lance de Saint Georges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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Ils
allumaient un feu, y faisaient cuire leur poisson et coupaient des fougères qui
leur serviraient de lit.
    Ils ne s’éloignaient pas de la route, bien qu’ils aient été
obligés de faire un grand détour pour éviter Saint-Aubin-du-Cormier dont la
forteresse ressemblait à un tambour, et un autre pour contourner la ville de
Fougères. Ils prirent le lait des vaches dans leurs pâtures, volèrent un grand
fromage dans un chariot arrêté près d’une église et dormirent à la belle
étoile. Ils n’avaient plus aucune idée du jour de la semaine ni même du mois.
Tous deux étaient hâlés par le soleil et leurs vêtements étaient en lambeaux.
Les tristesses de Jeannette s’étaient dissoutes dans son nouveau bonheur. Elle
fut particulièrement heureuse le jour où ils découvrirent une maison
abandonnée – de simples murs de torchis – qui tombait en ruine dans
un boqueteau de noisetiers. Ils enlevèrent les orties et les ronces et vécurent
là pendant plus d’une semaine, sans voir personne, ne désirant voir personne,
ne pensant pas à l’avenir car le présent était fait de bonheur. Il arrivait
encore à Jeannette de pleurer à propos de son fils et de passer des heures à
méditer de délicieuses vengeances contre le duc, contre Belas, contre sir Simon
Jekyll, mais cet été de liberté lui apporta aussi des joies. Thomas avait une
nouvelle fois monté son arc afin de chasser, et Jeannette, dont les forces se
développaient, avait appris à le tendre presque jusqu’à son menton.
    Ils ne savaient pas non plus où ils étaient et ne s’en
souciaient pas. La mère de Thomas avait coutume de lui raconter l’histoire
d’enfants qui, s’étant enfuis dans la forêt, avaient été élevés par des bêtes
sauvages. « Des poils leur avaient poussé sur tout le corps, lui
disait-elle, et ils avaient des griffes, des cornes et des crocs. » À
présent, il arrivait à Thomas d’examiner ses mains pour voir si des griffes se
formaient. Il n’en vit pas. S’il était en train de devenir une bête sauvage, il
était une bête heureuse. Il avait rarement été aussi heureux, mais il savait
bien que l’hiver, même s’il était encore loin, viendrait néanmoins. C’est
pourquoi, environ une semaine après le solstice d’été, ils partirent
tranquillement vers le nord à la recherche de quelque chose dont ni l’un ni
l’autre n’avait une idée précise.
    Thomas savait qu’il avait promis de rapporter la lance et de
rendre son fils à Jeannette, mais il ne savait pas comment tenir l’une et
l’autre promesses. Il savait seulement qu’il devait se rendre dans un endroit
où un homme comme Will Skeat accepterait de l’employer. Mais il ne pouvait en
parler à Jeannette. Elle ne voulait pas entendre parler d’archers ni d’armées,
d’hommes ni de cottes de mailles, mais, tout comme lui, elle savait bien qu’ils
ne pouvaient rester éternellement dans leur refuge.
    — J’irai en Angleterre, lui dit-elle, et je ferai appel
à votre roi.
    De tous les projets qu’elle avait imaginés, c’était le seul
qui fût sensé. Le comte de Northampton avait placé son fils sous la protection
du roi d’Angleterre, elle pouvait donc s’en remettre à Edouard avec l’espoir
qu’il l’aiderait.
    Ils marchèrent vers le nord, gardant toujours en vue la
route de Rouen. Ils franchirent une rivière à gué et parvinrent à une région
morcelée, faite de petits champs, de forêts profondes et de collines abruptes,
et là, dans ce pays vert, la roue de la fortune tourna une nouvelle fois sans
que ni l’un ni l’autre ne s’en rendent compte. Thomas savait qu’une grande roue
gouverne le sort de l’humanité, elle tournait dans l’obscurité pour décider du
bien ou du mal, de l’élévation ou de l’abaissement, de la maladie ou de la
santé, du bonheur ou du malheur. Thomas pensait que Dieu avait dû confectionner
cette roue pour que ce mécanisme dirige le monde pendant que lui-même était
occupé dans les cieux. En ce milieu d’été, alors que l’on battait la moisson
sur les aires, que les martinets se rassemblaient sur les grands arbres, que
des baies violettes poussaient sur les sorbiers et que les prairies étaient
blanches de marguerites, la roue tourna pour Thomas et Jeannette.
    Un jour, ils s’avancèrent vers la lisière de la forêt pour
s’assurer que la route était toujours en vue. D’ordinaire, il apercevaient un
homme qui conduisait quelques vaches au marché,

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