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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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gaieté se donnait libre cours, tout étant prétexte à fête populaire: tonneaux mis en perce, guirlandes tricolores, violoneux, danse autour de « L'Arbre de la Liberté»: l’autre Vendée.
    Mahé hocha la tête.
    – Je crois que tu as raison. Notre approche les a trompés, ils ont cru voir les éclaireurs d’un régiment républicain au complet. Se réfugiant dans l’église avec un bon prétexte, ils pensaient échapper aux explications.
    – Eh bien invitons-nous à ce mariage!… lança Valencey d’Adana.
    Ils attachèrent les chevaux mais la vision des corps de leurs deux camarades arma leur colère.
    Les portes fermées furent ouvertes avec violence et, chacun des marins tenant deux pistolets, ils s’avancèrent vers l’autel où un couple, sans doute de circonstance, attendait la bénédiction du prêtre.
    Les chants cessèrent peu à peu et bientôt on n’entendit plus que le bruit des bottes frappant les dalles usées.
    Le maire se présenta, au seuil de l’insolence, mais Valencey d’Adana feignit de ne rien remarquer.
    – Je vais peut-être t’étonner mais j’adore les mariages, citoyen. Poursuivez!
    – Vous n’êtes point invité, monsieur.
    Cette réponse clarifiait les choses, le «monsieur» répondant au «citoyen», le «vous» au «tu».
    – C'est tout à fait regrettable mais nous nous invitons tout de même. À moins que toi ou quelque autre n’ambitionne de nous en empêcher?
    Ils étaient une bonne centaine, hommes et femmes. Des regards haineux, des fronts bas et étroits, une rumeur sourde où il était question de «Bleus» et de «patauds», un air de bêtise général flottant sur l’endroit. Valencey d’Adana frémit en songeant que Victoire, «sa chère âme», était entre les mains de gens pareils.
    Dumesnil, qui n’éprouvait pas le moindre respect pour les églises, tira en l’air.
    On entendit le mot «sacrilège» mais le maître d’équipage visant la tête d’un bourgeois, le silence se fit.
    – Toi, poursuis ton office!… ordonna Valencey d’Adana au prêtre dont il aurait parié qu’il n’était point «jureur» mais «réfractaire».
    Oubliant ce qu’il faisait ici, cherchant inconsciemment à punir ce village hostile où l’on avait fusillé son ami Bernardin des Essarts de La Mellerie, oubliant même ses amis, Valencey d’Adana contempla avec émotion la mariée.
    Hormis de grands yeux bleus, elle n’était point jolie, trop forte, le teint rouge, les cheveux raides et filasse mais la façon dont elle regardait son futur mari la rendait par instants très belle. Plus jeune qu’elle, on ne pouvait pas s’empêcher de créditer le futur époux d’un charme certain et d’une altière prestance. Imaginant souvent le pire, se plaçant d’instinct auprès de ceux qu’on humiliait ou qu’il croyait promis à la douleur, Valencey d’Adana espéra que la cérémonie achevée, on n’ôterait pas à la jeune fille son beau prétendant.
    La présence des officiers républicains dut convaincre le prêtre de hâter les choses car il s’embrouilla dans son latin, ce que Valencey d’Adana, qui enfant versifiait déjà en virtuose dans cette langue morte, ne fut point sans remarquer.
    Toujours dans cette précipitation qu’il mettait à en finir à présent au plus tôt, le prêtre en arriva à l’échange des anneaux. L'homme eut droit à un anneau d’or, la femme, curieusement, à un anneau de paille tressée.
    D’un geste, Valencey d’Adana arrêta le prêtre:
    – Qu’est ceci?
    – Mais… Un anneau de paille. C'est que cette femme n’arrive point vierge au mariage.
    Se retournant, le maire, cruellement, prit le public à témoin:
    – Et plusieurs, ici, pourraient le certifier.
    On rit bruyamment. Même le prêtre. Et pareillement «le mari». Et la pauvre jeune fille elle aussi, plus rouge que jamais qui, devant le nombre, choisit le parti de ne se point révolter mais au contraire de rire d’elle-même, de pactiser avec ses tourmenteurs dans l’espoir, peut-être, de se concilier leur indulgence – mais ses yeux d’un bleu faïence s’assombrirent d’un voile de détresse absolu.
    Pour Valencey d’Adana, ce fut trop, mille fois trop: quel monde construire avec des gens si durs, si dénués de sensibilité, de fraternité, de compassion? Et tout cela dans une église où, ce semble, on prône l’amour du prochain!
    Il saisit le prêtre au col de sa chasuble.
    – Explique-toi au lieu de rire!
    Le prêtre fit disparaître

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