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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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communiquant avec l’hôtel particulier par un passage secret.
    Si Blacfort recevait dans le magnifique hôtel, invitant à sa table éclairée par des candélabres d’argent donnant une lumière nette et joyeuse des gens qu’il oubliait le lendemain, il dormait dans la maison bourgeoise pour des raisons de sécurité.
    Bien qu’elle eût sans doute représenté un paradis pour la population laborieuse de Paris, Blacfort la trouvait triste à pleurer. Un rez-de-chaussée «digne d’un petit négociant» avec cuisine, office, chambre de la servante, salon où trônaient une table de Chine et des fauteuils recouverts de velours d’Utrecht.
    Au premier étage, une très grande chambre donnant sur les quais, les herbes folles et la Seine avec ses grosses barques chargées de bois ou de tonneaux. Malheureusement, Blacfort détestait le lit à piliers de chêne et se disait navré de besogner la comtesse de Juignet-Tallouart sur «pareille horreur». En outre, les tapisseries d’Oudenaarde à verdures qui couvraient les murs le désolaient.
    Il avait bien risqué un regard sur le second étage mais le lit, la table de hêtre, les chaises, armoire et tapisseries de Flandres le révulsaient. Quant au troisième étage, défavorablement prévenu par les précédents, il n’y avait tout simplement jamais mis les pieds.
    Malgré ses débordements et ses actes de dément le menant jusqu’au cannibalisme, l’étrange cerveau du général-comte de Blacfort semblait fonctionner par caissons, et si l’on accepte cette façon d’envisager les choses, force est d’avouer que certains compartiments échappaient à la folie. Tout au contraire, il se caractérisait par une grande froideur et un sérieux – à éclipses – dans l’analyse.
    Ne sachant trop quelle initiative prendre en Vendée, redoutant un affrontement en rase campagne avec les «colonnes infernales» du général républicain Turreau, mais se lassant des actions de harcèlement, il cherchait surtout à gagner du temps.
    Mille petites choses le contrariaient. Ainsi, malgré la forte récompense promise, nul ne lui avait encore livré la marquise Victoire de La Chesnaie de Flers, et ceux enfin qui venaient de se risquer en son château l’avaient trouvé vide depuis longtemps déjà et la jeune femme enlevée, disait-on, par des Vendéens.
    Mais lesquels?… Et où était-elle donc?
    Pareillement, la présence en Vendée de Valencey d’Adana représentait un véritable problème, à l’origine d’une peur qui n’était pas logique mais contre laquelle il ne pouvait rien. En effet, les effectifs ridicules de l’ancien «ami d’enfance», cinq officiers dont deux déjà tués, ne devraient pas l’inquiéter et pourtant…
    Où était-il, celui-là aussi?
    Très mal, pris entre angoisse et impuissance, il ressentit un mieux en se souvenant de son action d’éclat, celle qui lui valait ses épaulettes de général: avoir fait sonner – fort brièvement – les cloches de Notre-Dame pendant l’exécution du roi. Et là jaillit l’idée…
    Ce qu’il faisait à Paris aujourd’hui, prenant grand soin que les agents royalistes en fussent témoins, relevait donc d’une motivation de même nature que son acte d’audace et de bravoure du 21 janvier 1793.
    L'or des princes en exil ne lui manquait pas pour s’offrir cette vie somptueuse mais demain, ah demain: ce qu’il se préparait à faire serait grandiose!
    Les agents royalistes n’avaient pas eu l’audace d’approcher le bourreau de Paris, Charles-Henri Sanson. Pareillement, ils avaient évité son frère Martin et même Demoret, l’aide-bourreau aux bras épais comme des jambons.
    En revanche, après de longues et laborieuses discussions, il leur sembla que Jacot, celui qui balayait le sang, présentait quelque intérêt.
    L'homme s’enivrait quelquefois et, lorsque son état ne lui permettait pas d’accomplir son travail, un certain Bradet le remplaçait.
    On sut immédiatement que celui-là était l’homme de la situation: vénal, corrompu et pourri.
    Il ne fut certes pas très difficile aux agents royalistes de faire boire – plus que de raison – Jacot en son cabaret favori, «Les Trois Entonnoirs», au point qu’il se trouva ivre mort.
    Le jour n’était pas choisi au hasard. En effet, le 5 avril 1794, dit aussi 16 Germinal An II, les Indulgents, dont Danton et Camille Desmoulins, avaient été exécutés.
    Cherchant mieux, fouillant la province et y consacrant presque trois

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