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La Légion Des Damnés

La Légion Des Damnés

Titel: La Légion Des Damnés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sven Hassel
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qu'ils tenaient et la cigarette me brûlait la main, mais mon cerveau était provisoirement incapable d'enregistrer la douleur ; il était tout entier au service de mes yeux qui regardaient, regardaient... Regardaient le tailleur gris et les souliers à talon plat et la petite valise avec les initiales U. S. et la main qui tenait la valise, une main si bien faite pour épouser la forme de la nuque d'un homme.
    — Je me suis trompée de train. Je suis impardonnable...
    Malgré ses protestations, je lui baisai la main et la fis asseoir auprès de moi, sur la banquette murale.
    — Chérie...
    — Mon garçon, il faut d'abord alimenter ta chérie
    si tu ne veux pas qu'elle tombe d'inanition... Non, non, sois sage et commande-nous quelque chose de bon, avec une bouteille de vin. Après seulement, je te dirai ce que nous allons faire...
    Je commandai du poulet au riz, sauce paprika, et désignai un numéro sur la liste des vins. J'étais toujours affreusement ébranlé, mais je gardai suffisamment de présence d'esprit pour ne rien dire de plus, durant ce premier quart d'heure, que le seul mot « Chérie ». C'était l'aveu honnête que ma caboche ne tournait pas rond, et c'était un aveu qui ne pouvait que lui plaire...
    Nous avions une heure devant nous avant de repartir pour Hochfilzen.
    — Quand tu m'as télégraphié que tu avais cinq jours de permission, j'ai tout de suite pensé que c'était là que nous devions aller. Tu adores la montagne, toi aussi, pas vrai ?
    — Chérie...
    — Tu es impossible ! Tu dois boire plus que ton compte de vin. Il faut qu'on te ramène à la normale. Je ne veux pas voyager avec un simple d'esprit. Non que je sois tout à fait normale moi-même ! Dans quelle histoire me suis-je fourrée ?
    Je vidai mon verre, puis remplis le sien et le mien. Je ne touchai pas à mon assiette tandis que ma compagne dévorait sa portion de poulet de sauce paprika et de pain et de riz, bavardant et faisant montre d'une vitalité réchauffante. J'étais un peu déçu qu'elle ne parût pas s'inquiéter de mon manque d'appétit. C'était un sujet qui lui tenait à cœur. Elle me disait toujours que j'étais maigre comme un clou et devrais manger davantage. Mais aujourd'hui, elle ne semblait pas y penser. Il y avait en elle quelque chose de changé et j'avais l'impression, par instants, qu'elle était aussi nerveuse que moi et que nous nous cherchions, à l'aveuglette, étrangers l'un à l'autre, et que c'était pour ça qu'elle déployait cette activité... dévorante !
    — Tu t'es fourrée dans une histoire de lune de miel, lui dis-je, répondant à sa question. Notre lune de miel.
    Elle éclata de rire ; et puis, tout à coup, après un long moment d'immobilité songeuse, elle me prit la main et la pressa contre sa joue.
    — Je ne sais pas, dit-elle, je ne sais pas... Mais parce que tu n'as que cinq jours, et pour des tas d'autres raisons... tu auras ce que tu désires, tout ce que tu désires. Es-tu heureux ?
    Sa riposte me désarçonna, et je murmurai avec quelque incohérence :
    — Ce que je veux, ce n'est pas ce que je désire, mais ce que tu désires, toi... Est-ce qu'il n'est pas l'heure de ce fameux train ?
    Sur le quai, elle me prit la main, s'arrêta, me regarda.
    — Retourne acheter une bouteille de cognac...
    Quand le capitaine d'état-major nous vit dans ce compartiment, une jolie femme élégante, une bouteille de cognac et un misérable soldat de régiment disciplinaire, il fit demi-tour et, peu de temps après, deux policiers militaires apparurent. Un silence brutal tomba entre nous pendant que je leur montrais mes papiers et mon supplément de seconde classe, Ursula affrontant leurs regards curieux avec une fureur glaciale, ostensible.
    Mais contenue, Dieu merci ! Le capitaine descendit à Linz, sans que les yeux d'Ursula l'eussent quitté d'une seconde. J'aimais mieux être à ma place qu'à la sienne. Le couple de civils descendit à Setztal, nous abandonnant le compartiment. A ma grande surprise, ce fut Ursula qui prit l'initiative de m'embrasser. Longuement. Un baiser tremblant, désespéré, qui la laissa pantelante.
    — Tout ce que tu désires, haleta-t-elle en se retournant vers la fenêtre. Il y a des limites à ce qu'ils peuvent avoir le droit de te faire...
    Elle me rendit son regard toujours enfiévré de colère.
    — Tu auras tout ce que tu désires. Et tout de suite, si tu veux...
    C'est formidable de pouvoir rire. Rire sans la moindre contrainte.
    — Ne

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