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La Légion Des Damnés

La Légion Des Damnés

Titel: La Légion Des Damnés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sven Hassel
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musique, découvrit que sa valise était restée à terre, au magasin d'habillements, et piqua une nouvelle rage.
    — Au secours ! A l'assassin ! Je suis mort ! Arnaqueurs ! Chourineurs ! Saloperies de Nazis ! On m'a volé ! On m'a fauché ma flûte et ma queue-de-pie !
    Rien ne put le consoler, pas même la promesse de lui acheter une autre flûte à Tripoli. Aucune flûte de Tripoli ne vaudrait celle qu'il avait perdue.
    Peu à peu, tout le monde s'endormit.
    Un énorme bruit de moteurs, juste au-dessus de nos têtes, nous réveilla en sursaut. Des langues, de flamme descendaient vers nous du haut des airs. Grincements et sifflements nous déchiraient les tympans et une grêle d'acier crépitait sur les flancs blindés du navire. Nos propres canons de petit calibre tiraient leurs langues rouges aux bombardiers assaillants, boum, boum, boum, et les mitrailleuses jappaient à qui mieux mieux.
    Pressés contre la passerelle, à la fois effrayés et agréablement excités — n'était-ce pas là notre baptême du feu ? — nous tentions vainement de comprendre ce qui était en train de se passer. Les avions revenaient, maintenant, piquant vers nous en grondant avec rage ; puis un chuintement caractéristique domina la voix des moteurs et le Vieux hurla :
    — A plat ventre ! Elle est pour nous celle-là !
    Il y eut l'explosion, et le navire tressauta. Déjà hululaient d'autres bombes, mais c'était à l'autre transport qu'elles étaient destinées. Des gerbes d'eau et de feu l'environnèrent, illuminant nos visages figés. Quelques secondes plus tard, le deuxième navire était la proie de flammes grondantes, tourbillonnantes. Sa D.C.A. canardait toujours, dardant ses traits rouges et jaunes à travers l'épaisse fumée. Un avion tomba sur le gaillard d'avant, bientôt dévoré par les flammes. J'eus l'impression, soudain, que mes tympans venaient d'éclater. Je n'entendais plus rien. La bande sonore de mon film était en panne. Je me levai pour contempler la mer ardente, culbutai les quatre fers en l'air et découvris que j'entendais de nouveau. Des geysers de feu et d'eau montaient vers le ciel. Plusieurs explosions résonnèrent dans les entrailles du navire. Une de nos trois cheminées s'éleva lentement dans l'obscurité. Vision remarquable, irréelle, invraisemblable.
    — Merde, on chavire !
    Des fracas jaillissaient toujours de l'intérieur du bateau, d'où s'exhalait la terreur des centaines de gars emprisonnés dans les coursives. La gîte s'aggravait de seconde en seconde. Nous échangeâmes un regard indécis. Puis nous sautâmes.
    La distance qui me séparait de l'eau était si fantastique qu'il me paraissait impossible de jamais atteindre la mer. Et puis, tout à coup, elle se referma sur moi et je continuai de descendre, de descendre avec l'impression que mon corps venait de se casser en deux. Mes oreilles grondaient et bourdonnaient et quelque chose battait dans ma tête, de plus en plus vite, de plus en plus fort.
    A la fin, je n'y tins plus. J'abandonnai. Tu es cuit. Tu vas y rester. Et juste à ce moment-là, ma tête creva la surface de l'eau et mes poumons douloureux aspirèrent goulûment cet air rarissime qu'on leur refusait. Mais une vague me submergea derechef et je travaillai frénétiquement des pieds et des mains, cherchant à m'éloigner du navire qui allait couler d'un instant à l'autre et m'entraîner avec lui. Toutes les couleurs de l'arc-en-ciel dansaient et scintillaient devant mes yeux. Je ne savais pas dans quelle direction je nageais. Je nageais, simplement. Je me battais pour ma vie, malgré les protestations de mes muscles implorant que l'on voulût bien leur laisser goûter l'apaisement de la mort. 
    Mon instinct de conservation était, Dieu merci, plus fort que mes muscles, plus fort que mes poumons hoquetants, plus fort que ma volonté. Il était plus fort et me fit agripper, riant, sanglotant, à moitié inconscient, une bouée flottante brusquement surgie du néant.
    Je me laissai porter, les deux bras sur la bouée. Les vagues noires couronnées d'écume m'enlevaient en fusée jusqu'à ce que je me retrouve perché au sommet d'une énorme montagne d'eau, prêt à plonger dans un gouffre bouillonnant que je regardais monter vers moi avec une horreur frisant la démence. Je savais que je poussais des hurlements hystériques, mais ne les entendais pas dans la rumeur des vagues. Quelque part au loin, le ciel était pourpre, mais dans mon rayon visuel il n'y avait rien

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