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La Légion Des Damnés

La Légion Des Damnés

Titel: La Légion Des Damnés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sven Hassel
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beuglait:
    — Je veux pioncer, et le prochain qui me dérange, je le descends, pan-pan, fini, mort !
    Nous nous levions un peu avant midi, et j'allais chercher notre ordinaire à la roulante. Nous avions, pour le quart d'heure, une nourriture à peu près décente. Soupe aux haricots. Nos gamelles étaient presque pleines et nous en dévorions le contenu en cinq sec, comme des animaux. Quand nous en avions léché jusqu'à la dernière trace, nous attaquions le dernier colis que Stege ou un autre avait reçu la veille de chez lui. Il y avait des galettes craquantes, des petits gâteaux, un gros morceau de jambon fumé. Nous étalions le tout sur une table que nous avions fabriquée près des latrines. Porta avait toujours une bouteille de vodka.
    Nos latrines étaient disposées de telle façon que nous pouvions nous asseoir face à face avec la table entre nous. Une fois installés, nous sortions un jeu de cartes graisseux et commencions d'interminables parties en grignotant biscuits, galettes, jambon. La bouteille passait de bouche en bouche. Verres, tasses, cruches autant de luxes que nous considérions depuis longtemps comme superflus et efféminés. Tranquillement assis tous les cinq, pantalon aux genoux, en paix avec nous-mêmes et avec le monde, nous mangions, buvions, fumions, bavardions, jouions aux cartes et faisions ce que nous avions à faire. Nos fesses dénudées s'offraient allègrement aux regards du village, car ces latrines étaient édifiées sur une éminence du haut de laquelle nous pouvions admirer toute la campagne environnante au même titre que la campagne environnante pouvait nous admirer. 
    Un oiseau chantait dans les arbres, et près de nous donnait un chien, paresseusement vautré dans la chaleur du soleil d'automne. Des femmes au travail chantaient une chanson russe dans les terres d'alentour... Et c'était seulement vers le soir, quand les paysans commençaient à rentrer des champs que nous quittions notre piédestal idyllique pour nous traîner nonchalamment jusqu'au cottage.
    Un après-midi, le Vieux et tous les autres chefs de tank furent appelés en présence du commandant de compagnie. Lorsqu'il revint au bout d'une petite heure, il nous, annonça triomphalement :
    — Les gars, on part en expédition. Faut qu'on aille s'établir dans la plaine, à vingt-cinq kilomètres au sud de Nowji, et qu'on creuse un trou qui laisse que la tourelle de la guimbarde au-dessus du sol. On sera comme des rois, tranquilles et peinards à cinquante kilomètres en arrière du front. Pas d'obus sur la gueule ; rien que le souci de soigner notre petite santé jusqu'à ce que les Rousskis enfoncent nos premières lignes... Quand ça se produira, faudra qu'on détruise leurs tanks à mesure qu'ils arriveront et qu'on tienne nos positions coûte que coûte. Dès que le teuf-teuf sera enterré, la consigne est de foutre en l'air la clef de contact
    Porta s'esclaffa :
    — Tu as bien dit : la clef de contact ?
    Le Vieux sourit.
    — Ouais. C'est tout ce qu'on doit balancer.
    — Parfait, grognard ! Nous respectons la consigne.
    On s'en foutait. On avait quatre clefs de rechange.
    Avant l'aube, nous occupions nos nouvelles positions.
    Au beau milieu de la plaine, où les herbes étaient si hautes qu'il fallait parfois se hisser sur la pointe des pieds pour découvrir l'horizon. Il faisait froid, et nous portions capote, bonnet de fourrure, mitaines et culotte de peau par-dessus notre pantalon noir d'uniforme. Comme nous n'avions que deux pelles et une bêche dans notre tank, trois seulement d'entre nous pouvaient travailler en même temps et c'était merveille que de voir avec quelle abnégation chacun suppliait les copains de le laisser trimer — une vraie scène pour film de propagande vantant l'esprit de corps de nos chers poilus — mais c'était uniquement parce que le vent charriait des lames de rasoir et que se donner du mouvement était encore le meilleur moyen de se réchauffer.
    Levant la main, le Vieux déclama d'un ton lyrique :
    — Mes enfants, mes chers petits, est-ce que ça n'est pas merveilleux d'être ici en plein air à creuser ce joli petit trou ? Voyez, le soleil à présent s'éveille et nous n'avons plus besoin d'avoir peur du Père Fouettard ! Il va en faire un plat, mes enfants, les petits oiseaux du Bon Dieu vont nous chanter leurs chansons cristallines et si nous sommes bien, bien sages, le Viel Homme des Steppes viendra peut-être nous raconter une longue histoire

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