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La Légion Des Damnés

La Légion Des Damnés

Titel: La Légion Des Damnés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sven Hassel
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regard. Elle m'attira à l'intérieur du train, tandis que deux de ses compagnes s'occupaient de Porta et du Vieux.
    Asta avait épousé un homme de vingt-deux ans son aîné. Puis elle avait divorcé. Puis elle s'était engagée dans la Croix-Rouge avec une de ses amies. Et puis, et puis... Dieu, que j'avais pu maigrir. Dieu, qu'elle avait pu maigrir. Nous nous regardions, sans oser dire ce que nous désirions. Puis une autre infirmière s'approcha d'Asta et lui murmura quelque chose à l'oreille.
    — Viens, me dit-elle.
    Nous passâmes dans un autre wagon. Elle poussa un loquet, tira un rideau, se dévêtit en un tour de main. Avant que j'aie pu mesurer l'étendue de ma chance, elle était nue devant moi, et me faisait signe de la rejoindre sur la couchette inférieure du compartiment. Inutile de prononcer une syllabe. Nous désirions la même chose et nous la désirions avec une égale intensité. Quel présent de la Providence, quelle merveille tombée du ciel... Une fille à la chair ferme, aux formes encore pleines malgré sa maigreur, bien propre, bien lavée, sentant bon la femme et le savon. Une fille qui savait qu'un quart d'heure peut être le bout du monde quand on ne s'attarde pas en préambules et en superfluités. Nous étions tellement sevrés, tellement avides et en pleine harmonie que je la possédai deux fois de suite, pour la seule raison que nous avions agi sans hésiter, obéi sans discuter à la faim accumulée depuis des mois dans nos entrailles...
    Curieux que la vie, la vie toute nue et sans honte imbécile, se fût ainsi donné la peine de rappeler son existence, sa très proche existence, à trois soldats crasseux, dans une gare de chemin de fer, une gare quelconque, n'importe quelle gare. Pour nous montrer, peut-être, qu'on peut toujours, où et quand on s'y attend le moins, rencontrer quelque chose de beau et de noble et de bon.
    Je revois encore, et non sans sourire, le tableau un tantinet comique de ces trois bougres fiers comme des paons regagnant leur train blindé en tournant le dos, obstinément, à un train sanitaire en partance. Je ne cherchai pas à regarder en arrière, moi non plus, mais j'imagine toujours, derrière une vitre carrée, trois filles au visage ému, plein de tendresse. Non trois infirmières, mais trois femmes qui avaient comblé trois hommes du don d'elles-mêmes et reçu autant qu'elles avaient donné. C'était arrivé si vite, mais avec une telle plénitude...
    Les yeux rieurs, nous réintégrâmes notre wagon.
    Porta lui-même, se taisait, ce qui montre que la salacité peut abdiquer parfois devant d'autres valeurs.
    Le Vieux se mit à fredonner un refrain, et Porta dégaina sa flûte. Puis nous éclatâmes de rire, tandis que les autres roulaient des yeux ronds.
    — Ces pauvres filles, dit le Vieux. Tous les poux qu'elles ont dû attraper...
    Et Porta joua la chanson du prince qui avait une puce...
    Ça n'avait pas été une étreinte furtive, à la sauvette, mais un miracle poétique, aussi naturel, aussi surprenant que lorsqu'en s'éveillant d'un petit somme en forêt on découvre une levrette à portée de sa main.
    Le train blindé pénétra le lendemain dans la zone de combat. A Bachworat, près d'un affluent du Donetz, nous reçûmes nos instructions. Nous allions soutenir une offensive, puis progresser aussi loin que possible sur la ligne Lugansk-Kharkov et tâcher de semer la pagaïe sur les arrières de l'ennemi. Nous devrions nous replier ensuite, en détruisant derrière nous ponts et voies. Si le train était mis hors d'état de regagner sa base, nous le ferions sauter, et les survivants essaieraient de rejoindre nos lignes.
    La voix de l'Oberstleutnant Hinka résonna dans tous les wagons, d'un bout à l'autre du convoi :
    — Préparez-vous à l'action !
    On ôta les capuchons des canons, on aligna les obus et chaque homme occupa son poste. Lentement, le train prit de la vitesse, bourdonnant et parfois hurlant dans un virage. Puis les haut-parleurs recommencèrent :
    — Prêts pour l'action ? Préparez-vous à ouvrir le feu!
    Les culasses glissent et s'ouvrent, reçoivent charges et obus. L'acier claque contre l'acier. Les colliers de roulement des canons tournent en silence. Les armes automatiques sont chargées. En même temps, nous enfilons nos casques garnis d'amiante. Mon périscope explore le paysage. Devant nous s'étend obliquement le fleuve, jaune et large et sinueux comme un serpent, au flanc martelé des pentes grises. A toute

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