La Liste De Schindler
prendre le commandement du camp de Plaszow étaient datés du 12 février 1943. Après en avoir délibéré avec son adjudant-chef, avec Wilhelm Kunde, commandant des détachements SS affectés au maintien de l’ordre dans le ghetto, et avec Willi Haase, l’adjoint de Scherner, il estima qu’il serait possible de commencer l’opération dans un délai d’un mois.
Le commandant Goeth fut accueilli à la gare centrale de Cracovie par Kunde lui-même et par un jeune SS, Horst Pilarzik, qui dirigeait momentanément les camps de travail de Prokocim et de Wieliczka. Les trois hommes s’engouffrèrent dans une Mercedes et prirent la route du ghetto pour que Goeth puisse apprécier la situation. Ils iraient ensuite faire une reconnaissance du site du nouveau camp. Il faisait un sale temps, froid, chargé, et la neige se mit de la partie au moment où ils franchissaient la Vistule. Aussi l’Untersturmführer Goeth fût-il agréablement surpris quand Pilarzik lui offrit de prendre quelques gorgées d’une bouteille de schnaps qu’il avait sur lui. Ils franchirent le portail d’entrée et suivirent la ligne de trolley de la rue Lwowska qui séparait le ghetto en deux. Kunde, un ancien agent des douanes qui avait l’habitude des rapports, fit un topo à l’intention de Goeth. Sur la gauche, le ghetto B où demeuraient encore environ deux mille personnes, soit qu’elles eussent échappé aux différentes Aktio-nen, soit qu’elles fussent encore employées dans différents secteurs industriels. Mais on venait de distribuer de nouvelles cartes d’identité, chacune portant une lettre correspondant aux activités du porteur – W pour les gens employés par la Wehrmacht, Z pour ceux qui travaillaient dans les bureaux civils, R pour les travailleurs industriels. Les habitants du ghetto B n’avaient pas bénéficié de cette nouvelle distribution de cartes : ils étaient destinés au Sonderbehandlung. Il serait peut-être judicieux de commencer l’évacuation du ghetto de ce côté-là, mais cette décision, d’ordre tactique, relevait bien évidemment de Herr Kommandant.
Le gros morceau se trouvait de l’autre côté, à droite, où il y avait encore plus de dix mille personnes. Elles devaient en principe constituer la main-d’œuvre initiale qui ferait fonctionner les usines du camp de Plaszow. Les chefs d’entreprise allemands – Bosch, Madritsch, Beckmann et Oskar Schindler – seraient encouragés à transférer tout ou partie de leur activité dans le nouveau camp. De plus, il y avait une usine de câbles à moins d’un kilomètre du camp où l’on pourrait mener chaque jour des équipes de travail.
— Le commandant désire-t-il que l’on fasse encore quelques kilomètres pour jeter un œil sur le site du nouveau camp ? demanda Kunde.
— Oui, répondit Goeth. Allons-y.
Ils quittèrent la grand-route à l’endroit où l’usine de câbles entourée d’un fatras d’immenses bobines recouvertes de neige marquait le début de la rue Jerozolimska. Amon Goeth aperçut des groupes de femmes malingres, ployant le dos sous des matériaux de construction – panneaux de bois, éléments de gouttières – qui provenaient sans doute de la gare ferroviaire Cracovie-Plaszow. Pilarzik expliqua que ces femmes demeuraient pour le moment au camp de Prokocim, mais que dès que Plaszow serait prêt, leur camp serait fermé et elles seraient placées sous la responsabilité de Herr Kommandant.
Goeth estima que ces femmes devaient transporter leurs charges sur une distance d’environ trois quarts de kilomètre. « Et tout en montée », dit Kunde, en faisant pivoter sa tête sur une épaule, puis sur l’autre, comme pour laisser entendre que tout cela était bon pour la discipline, même si le rythme de la construction devait s’en ressentir.
— Il faudra construire un embranchement ferroviaire relié aux voies de l’Est, dit l’Untersturmführer Goeth.
Ils dépassèrent sur la droite une synagogue bordée de pierres tombales qui, plaquées en relief sur la neige, semblaient former une rangée de dents dans la bouche ricanante de l’hiver. Une partie du camp se trouvait sur le site de ce qui avait été, jusqu’au mois précédent, un cimetière juif.
— Bigrement vaste, dit Wilhelm Kunde.
Herr Kommandant se permit une petite plaisanterie qu’il resservirait souvent tout le temps qu’il serait à Plaszow :
— Comme ça, ils n’auront pas à aller loin pour être enterrés !
Il y
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