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La Liste De Schindler

La Liste De Schindler

Titel: La Liste De Schindler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Keneally
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continuait d’aimer cette ville. Si quelque chose d’épouvantable devait arriver, ça ne pourrait être qu’ailleurs. Il revint très vite sur terre en observant de sa cachette la scène qui lui révéla que si le mal absolu existait quelque part, ce n’était pas à Tarnow, Czestochowa, Lwow ou Varsovie. C’était ici, dans la rue Jozefinska, à moins de quarante mètres de distance. Une femme accompagnée d’un enfant sortit en hurlant du 41. Un des chiens avait planté ses crocs dans la cuisse de la femme. Le SS qui faisait office de maître de chiens s’empara de l’enfant et le projeta contre le mur. Pfefferberg ferma les yeux. Il entendit le coup de feu qui mit fin aux hurlements de la femme.
    Le témoignage de Pfefferberg ne variera jamais : il y avait soixante à soixante-dix cadavres dans la cour de l’hôpital. L’enfant de la rue Jozefinska devait avoir deux ou trois ans.
    Peut-être avant même que la femme fût morte, et certainement bien avant qu’il s’en fût rendu compte, Pfefferberg réalisa qu’il s’était déplacé, comme si l’instinct avait précédé la réflexion. Abandonnant la grille qui ne l’aurait de toute façon pas protégé des chiens, il se retrouva dans la cour du dépôt. Il adopta immédiatement le port militaire de l’ancien officier de l’armée polonaise qu’il était et sortit de la cour avec l’air de l’homme à qui l’on vient de confier une tâche importante. Puis, s’emparant des bagages qui jonchaient la rue, il commença à les empiler le long des murs. Les trois SS s’avançaient ; il entendait les chiens haleter en tirant sur leurs laisses. Quand il les sentit à quelque dix pas de lui, il se redressa dans l’attitude du juif humble et obéissant afin que les autres puissent le voir. Leurs bottes et leurs culottes étaient maculées de sang. L’officier du milieu qui était le plus grand n’avait pas l’air d’un assassin. En fait, son visage assez large reflétait quelques sentiments humains.
    Malgré ses vêtements de clochard, Pfefferberg claqua ses talons de bois très militairement et salua le grand du milieu.
    —  Herr… commença-t-il.
    Il n’avait aucune idée des grades chez les SS et ne savait trop comment appeler celui-là.
    —  Herr Kommandant…
    Il avait lancé cela au hasard mais avec une énergie féroce. Et ça tombait juste. Car le grand officier n’était autre qu’Amon Goeth, débordant de vitalité, enivré par le succès qu’avait été cette journée, et porté à des accès d’autorité aussi intempestifs et instinctifs que Poldek l’était à imaginer des subterfuges.
    —  Herr Kommandant, j’ai l’honneur de vous rapporter respectueusement que j’ai reçu l’ordre de rassembler tous ces bagages et de les empiler sur un côté du trottoir afin de dégager la voie.
    Les chiens tiraient sur leurs laisses pour tenter de s’approcher de lui et le seul problème était de savoir si le SS à la gauche de Herr Kommandant avait suffisamment de force pour les retenir. Pfefferberg s’attendait au pire : l’attaque des chiens, les morsures, le déchaînement et la délivrance sous forme d’une balle dans la tête. Si la femme n’avait pas réussi à s’en tirer avec son bébé dans les bras, quelles chances avait-il, lui, avec ses histoires de valises et de chaussée dégagée dans une rue où de toute façon toute circulation était interrompue ?
    Mais si le sort de la jeune mère n’avait en rien ému le commandant, Pfefferberg, en revanche, l’amusait. Voici donc un Ghettomensch en train de jouer au petit soldat devant trois officiers SS et faisant son rapport avec ce qui convenait de servilité. Si, toutefois, ce qu’il disait était vrai. Car si ça ne l’était pas, il lui fallait un sacré toupet. Son attitude, en tout cas, rompait avec celle des victimes consentantes. Parmi tous ceux qui avaient été condamnés aujourd’hui, personne n’avait encore essayé de claquer les talons. Herr Kommandant pouvait dès lors exercer son droit régalien de paraître amusé, même si c’était irrationnel et tout à fait inattendu. Il redressa la tête ; sa lèvre supérieure dessina un demi-cercle. Il laissa échapper un grand rire sonore que ses collègues vinrent conforter en souriant à leur tour.
    L’Untersturmführer Goeth lança de sa voix suave de baryton :
    —  On s’occupe de tout. Le dernier groupe est en train de quitter le ghetto. Verschwinde ! C’est-à-dire : allez, file,

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