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La lumière des parfaits

La lumière des parfaits

Titel: La lumière des parfaits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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au sire de Calveley, qu’il s’était rendu maître de la place et de la garnison. En témoigneraient la herse relevée et le pont-levis abaissé.
    La nuit tombait. Faute de vent, le pavillon ne claquait pas et il était de plus en plus difficile d’en reconnaître les couleurs. Point de gardes apostés sur le chemin de ronde. Normal en période de trêve. Il n’empêche que j’étais fort inquiet. Pire, je crus discerner les armes de mon ennemi. Se serait-il rendu maître de la place ? Les conséquences en seraient incalculables.
     
    Une deuxième bannière fut enfin hissée. Plus aucun doute, cette fois. Elle n’était point aux couleurs d’Arnaud.
    « Messire ! Messire, c’est le signal, Largoët a investi la place ! », hurla quelqu’un à notre senestre, à vingt pas de moi. Je tressautai, saisis la hache d’armes de ma dextre, et portai l’autre main sur la poignée de mon épée. Je m’accroupis, prêt à bondir, tel l’un de mes dogues, Clic ou Clac, lorsqu’une poigne de fer s’abattit sur le pommeau.
    N’ayant encore point dégainé, je levai ma hache d’armes sur le Godon qui m’avait surpris. Le Godon n’était autre que messire du Guesclin. Il croisa l’index sur sa bouche pour m’imposer silence et patience.
    Ensuite, poursuivant l’exposé muet de sa stratégie, toujours de la main, tel Fabius Cunctator, déployant ses légions romaines, centuries et manipules, il nous fit comprendre par un vaste geste que nous devions laisser l’ennemi s’approcher, que ses archers les encerclaient sur leurs arrières et que nous devions attendre que la herse soit rouillée.
    Bertrand me montra, du doigt, un homme qui s’avançait, l’épée à la main : Hugues de Calveley souriait au crépuscule et entraînait les compagnies qu’il avait levées à la hâte à l’assaut des portes qui bâillaient béantes, à la lumière de deux puissantes torchères.
    D’autres torches furent affouées ici et là, non loin de nous. De magnifiques cibles pour les archers de Bertrand !
    Des cris, des rires, des chants et de la musique vinrent jusqu’à nos oreilles.
    « De gras seigneurs de haut lignage ne vont pas tarder à déchanter et à verser belles rançons. Parmi eux, un maréchal de France, qui plus est ! Une prise de choix ! », se réjouit le sire de Calveley. Il se voyait déjà maître de la place forte.
     
    Alors que, sans plus de méfiance, il entraînait sa troupe vers le pont-levis, la herse du châtelet descendit dans ses glissières, par à-coups, dans un grincement de chaînes en souffrance et de métal torturé. Elle finit par planter ses crocs dans le sol avant que les envahisseurs n’aient pu la franchir.
    Calveley s’agrippa aux premiers croisillons, les secoua de toutes ses forces, sans que la herse ne bouge d’un pouce, bien sûr, et il gueula à s’époumoner :
    « Arnaud, qu’as-tu fait ? Arnaud ! Par Saint-George, rouille la herse ! »
    Arnaud ne pouvait l’entendre. En revanche, les créneaux se couvrirent d’archers et, sur un signe de Bertrand, une volée de flèches s’abattit sur la bonne cinquantaine d’hommes qui piétinaient sur le pont-levis.
    Plusieurs corps basculèrent dans les douves. Entre les merlons, une vingtaine d’archers archonnaient, bornoyaient et attrempaient leur cible, décochant sagette sur sagette.
    Deux, puis trois volées de flèches déchirèrent les rangs ennemis avant qu’une hurlade espouvantable ne retentisse. Elle en terrorisa plus d’aucuns qui l’avaient trop souventes fois ouï à leurs dépens :
    « Notre-Dame Guesclin ! À moi ! » hurla Bertrand à oreilles étourdies.
    Le diable d’homme avait jailli du parterre de bruyères, la hache levée, et se précipitait sur les Godons.
    La bataille fit rage. Pendant près d’une heure, Hugues de Calveley se battit avec d’autant plus de fougue et d’acharnement que, en cette affaire, le renard qu’il croyait avoir été s’était fait prendre au piège par plus renard que lui.
    Sous les assauts de Jean Ruffier, Jean de Mutilien, Raoul de Beauchamp, Jean Paynel, d’Enguerrand de Hesdin, et tous les autres compagnons d’armes de Bertrand du Guesclin, les Anglais cédèrent du terrain, pas à pas.
    Bertrand se battait avec une audace folle qui aurait pu en remontrer à plus d’aucuns. Mais aussi, avec un sens du commandement, de la tactique improvisée, vociférant et taillant, un œil partout. Il voyait tout. Il était là où on ne l’attendait pas.

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