La lumière des parfaits
qu’ils l’auront su.
« Et leur sera ordonné que les armes et timbres de tous les seigneurs et chevaliers de la Noble Maison seront peints dans la grand salle de celle-ci, au-dessus de la place de chacun. Et s’il y en a qui, honteusement, que Dieu et Notre Dame ne veuillent, s’en aillent de la bataille et lâchent le combat, ils seront suspendus de la compagnie, et ne pourront porter bel habit, et on tournera dans la Noble Maison leurs armes et leur timbre sens dessus dessous, jusqu’à ce qu’il leur soit restitué leur rang, par le prince et son conseil, pour un nouveau fait d’armes.
« Et il sera ordonné que, dans la Noble Maison, il y aura une table appelée Table d’Honneur, à laquelle seront assis, la veille et le jour de la première fête, les trois plus hauts princes, les trois plus nobles chevaliers bannerets et les trois bacheliers les plus méritants qui seront à ladite fête.
« Et il est encore ordonné, que nul de ceux de ladite compagnie se devra entreprendre d’aller à aucun voyage lointain, sans le dire et faire savoir au prince, lesquels chevaliers seront au nombre de cinq cents, mais, comme inventeurs et fondateurs de cette compagnie, sera prince, ainsi que le devront être ses successeurs royaux…
« Donné à Saint-Christophe-en-Halatte, le sixième jour de novembre, l’an de grâce mille trois cent cinquante et un… »
Mais ils avaient vite déchanté, lorsqu’ils avaient compris que nous étions ainsi devenus les otages du roi d’Angleterre. Jusqu’à complet paiement de la rançon qu’il exigeait du roi Jean : quatre petits MILLIONS D’ÉCUS D’OR… quand bien même nous nous serions acquittés de la nôtre auparavant.
Les chapons rôtis, les civets de lièvre, les aspics de viande ou de poisson, les pastis d’alouettes, les pluviers fourrés aux blancs de poireaux, les gaufres aux fruits, les poires glacées flattaient notre palais, sans empêcher notre esprit de vagabonder vers les terres des gens qui nous étaient proches.
Outre-Manche. Dans le Pierregord. Des gens dont nous étions sans nouvelle aucune depuis plusieurs mois, et que nous risquions de ne jamais revoir.
Que me paraissait vain et futile ce collier à l’Étoile d’argent sur émail de gueules, assorti de cette devise « Monstrant regibus astra viam », une étoile blanche frappée d’un soleil d’or sur champ d’émail rouge cloisonné et bordé d’or.
Un symbole, certes ! Mais le symbole de quelle chevalerie ? Celle qui avait passé les pieds outre à Crécy ? Ou celle qui avait été descharpie à Maupertuis ?
La fierté de l’arborer l’emporterait-elle, un jour, sur la route de nos défaites ? N’avais-je pas promis au roi de France, le jour de mon intronisation en cet Ordre, loyal conseil au prince, soit d’armes, soit d’autre chose ? De ne jamais tourner le dos à l’ennemi ? De ne jamais reculer de plus de quatre pas ?
Le surlendemain soir, un somptueux souper fut donné en notre honneur.
Des saltimbanques, des jongleurs, des acrobates, des montreurs d’ours s’exhibèrent sous les applaudissements de la cour. Et puis, tout à trac, le roi Jean décida d’improviser un concours de poèmes dont les vers devaient tous se terminer par les mêmes sonorités.
Je n’eus pas à relever le défi, le roi Jean me pria de m’inscrire à ce tournoi de joutes verbales et, bon gré mal gré, je dus obéir à l’injonction royale.
Par comble de malchance, après en avoir donné lecture, je fus acclamé par les invités, chevaliers et gentes dames, et élu roi des troubadours. Un roi d’un soir, pour un poème d’un jour. Un poème aigre-doux qui ne sembla pas soulever un bel enthousiasme auprès d’Édouard de Woodstock, le prince de Galles…
À voir sa mine se remochiner à mesure que j’en faisais lecture :
Parti d’oc et d’ail
Pour descharpir la canaille,
Armé de plattes et de mailles,
Redoutable épouventail,
Jean fit foison et ripaille
De noble anglaise piétaille.
Bacinet mis en ventail,
On l’affronte, on le raille,
De hache, il fend les mézails
Comme on tranche cols de volaille.
Du sang de la bataille,
N’évoquons point les détails…
Làs, d’un magnifique travail,
Il ne reçut que chedail,
De Galles, un royal soupirail
Et Londres pour tout vitrail.
Pour un roi sans bail,
Point de beau forçail !
Pour gentil fermail
De parfait émail
Et de Beau carmail,
Portons
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