La malediction de la galigai
Sourches 11 de se rendre immédiatement au Palais-Royal.
Quand il arriva, plusieurs des maîtres des requêtes de la prévôté de l'Hôtel se trouvaient déjà là . Comme ils affichaient tous un visage défait, Gaston apprit du greffier en chef que ce qu'il redoutait venait de se produire.
â Cela s'est passé il y a trois heures, dans le jardin des Tuileries, monsieur de Tilly, expliqua le greffier, mais tout avait commencé la veille. La Cour ayant quitté Compiègne pour Amiens, une douzaine de gentilshommes avaient décidé de se rendre à Paris afin de s'amuser. Parmi eux, il y avait Ruvigny, Bouteville, le duc de Candale, le commandeur de Souvré, le commandeur de Jars, monsieur de Jarzé et quelques autres.
Gaston opina, attendant la suite avec inquiétude tant il connaissait ces têtes folles : Ruvigny, duelliste impénitent, avait déjà tué une dizaine d'adversaires à vingt ans ; et Candale, petit-fils du duc d'Ãpernon, avait lui aussi déjà croisé sa route. Quant à Bouteville, ami de Condé, il était le fils du comte de Montmorency-Bouteville, exécuté par Richelieu pour s'être battu en duel sur la place Royale.
â Ils déambulaient dans la grande allée des Tuileries quand ils ont aperçu le duc de Beaufort marchant dans leur direction, accompagné de quelques frondeurs. Voulant éviter une querelle, ce dernier s'est détourné pour prendre une autre allée. Mais monsieur de Jarzé s'est aussitôt répandu en railleries, affirmant que le champ de bataille leur était demeuré et que les frondeurs n'osaient paraître devant eux.
â L'imbécile, murmura Gaston.
â Le soir, Jarzé est allé faire le capitaine Fracasse dans des salons où il a colporté ses soi-disant exploits. Ce matin, un proche de monsieur de Gondi m'a prévenu que le duc de Beaufort et le coadjuteur ont acté des représailles. Beaufort aurait annoncé qu'il viendrait aux Tuileries avec ses amis et que s'il voyait Jarzé, il le jetterait du haut du rempart 12 . Monsieur le lieutenant général a donc prévenu monsieur de Jarzé et lui a suggéré de retourner à Compiègne, histoire d'éviter de se faire maltraiter, mais ce sot s'est moqué de l'avertissement.
» Tout à l'heure, Jarzé et ses amis ont réapparu aux Tuileries et se sont fait servir un repas à deux pistoles sur la terrasse du jardin de Renard 13 , affectant d'y boire publiquement à la santé de Son Ãminence et assurant à vive voix que les frondeurs ne leur feraient pas quitter le haut des allées. Ils en étaient au premier service lorsque le duc de Beaufort est arrivé accompagné de dizaines de gentilshommes, de pages et de laquais, tous avec épées et pistolets, faisant grand fracas. La troupe a entouré la table et le duc a salué les dîneurs avec civilité. Parmi eux, Ruvigny et le commandeur de Jars se sont levés pour lui marquer leur respect.
» Beaufort les a remerciés avant d'ironiser : âMessieurs, vous soupez de bonne heureâ, a-t-il dit. Puis il a demandé aux dîneurs s'ils avaient des violons, et sur une réponse négative, a ajouté qu'il en était bien fâché, ayant intention de les casser sur leur tête. à ces paroles, il a saisi la nappe et l'a tirée par un coin, renversant les plats et couvrant les convives de bouillon.
» Aussitôt les gens de la Cour ont saisi leur épée. Le duc de Candale, pourtant cousin de Beaufort, s'est précipité sur les frondeurs afin de réparer l'affront. Bouteville et Ruvigny, duellistes enragés, ont commencé à ferrailler. Ils auraient fini transpercés tant leurs adversaires étaient nombreux si Beaufort, comprenant que l'affaire tournait au vinaigre, ne s'était jeté entre les lames pour empêcher que le sang coule.
» Malgré cet appel au calme, certains convives ont été coiffés de soupières et monsieur de Jarzé a reçu quelques humiliants coups de plat d'épée.
Gaston était livide. Après de tels affronts, une guerre féodale s'annonçait, chaque camp voulant se venger de l'autre. Comme à l'époque des Importants, le parti de Beaufort se retrouverait opposé à celui de Condé, pour l'occasion allié de la Cour
â Comment cela s'est-il
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