La mariage du Viking
au chevet de Gunnhild.
Les yeux clos, le désespoir au cœur, Einar se rappela la dernière fois où il avait attendu ainsi, impuissant, au même endroit. Ce jour-là, c’était sa propre femmequi avait donné naissance à leur fille… pour mourir en couches quelques instants plus tard…
Meradyce sortit enfin. Elle avait tiré sa chevelure en arrière, mais quelques mèches rebelles collaient encore à son front humide. Les manches de sa robe étaient roulées jusqu’aux coudes, dévoilant des bras minces et pâles.
— J’ai besoin de vous, déclara-t-elle en lui faisant signe de la suivre.
Einar, qui aurait préféré se jeter dans une fosse grouillante de serpents, se leva à contrecœur.
— Dites à Gunnhild que tout sera bientôt fini, ordonna Meradyce quand il fut arrivé auprès de la future mère.
Einar parla d’une voix hachée, tout en évitant de regarder le visage convulsionné de l’accouchée.
— Dites-lui de pousser aussi fort qu’elle le pourra, à mon signal.
Gunnhild gémit alors, et Meradyce bondit vers elle pour lui appliquer une main sur le ventre. La douleur semblait s’apaiser un peu.
— Allez, dites-lui de pousser aussi fort qu’elle le pourra, répéta Meradyce.
Tandis qu’Einar traduisait et que l’accouchée obtempérait, la Saxonne, sans lâcher l’abdomen douloureux, alla se placer aux pieds de Gunnhild.
— Dites-lui que je vois la tête ! Dites-lui que le bébé a… des cheveux bruns. Dites-lui de pousser une dernière fois le plus fort possible !
Le regard soigneusement tourné vers la porte, Einar transmit l’ordre.
— Allez ! encouragea Meradyce.
Cette fois, le Viking n’y tint plus et s’enfuit en courant. Une fois dehors, il inspira à pleins poumons.
Alarmé, Hamar se leva.
— Que se passe-t-il ? Il est arrivé quelque chose ?
Comme pour répondre à la question, un petit cri, bref et perçant, déchira l’air glacé du matin. Figés d’émoi, Einar et Hamar se regardèrent en hésitant, puis, de la maison des bains, leur parvint un rire de femme. Alors, dans un ensemble attendrissant, ils poussèrent un long soupir de soulagement.
Un instant plus tard, Meradyce ressortit et sourit à Hamar mais, lorsqu’elle posa son regard sur Einar, son visage se fit grave.
— Dites-lui qu’il a un fils beau et vigoureux. Il est couché auprès d’elle, sur le sol.
A la hâte, Einar traduisit ces paroles à son frère qui, sans plus attendre, se rua dans la maison.
— Il va maintenant décider si l’enfant est bien fait, expliqua Einar à la sage-femme. S’il l’estime vigoureux et apte à vivre, il le prendra dans ses bras.
— Et… dans le cas contraire ? interrogea Meradyce, inquiète.
— Il le donnera à la mer.
Affolée, la Saxonne s’apprêtait à rejoindre Gunnhild quand Hamar apparut, un sourire triomphant sur les lèvres.
— C’est un jour magnifique, Einar ! J’ai un fils, et il est aussi beau que Balder !
— Comment vas-tu l’appeler ?
— Eric. Eric Hamarson. Qu’en penses-tu ?
— C’est un nom parfait.
Hamar assena une puissante claque dans le dos de son frère.
— Cette femme nous a été envoyée par la déesse Freya ! s’extasia-t-il à propos de Meradyce. Gunnhild ne cesse de vanter ses qualités de sage-femme. Elleprétend qu’elle est meilleure qu’Helsa, et elle sait de quoi elle parle pour avoir assisté à la naissance de tous ses frères et sœurs.
— Je n’en doute pas, Hamar.
— Einar, demanda alors gravement celui-ci. Que comptes-tu faire d’elle ?
— Le destin de cette femme ne te concerne pas, Hamar. Préoccupe-toi plutôt de devenir un bon père…
— Certes, Einar. Certes…
Sans insister, Hamar retourna voir son fils qui s’était remis à hurler à pleins poumons.
Quelques instants plus tard, Meradyce sortit en s’essuyant le front d’un revers de manche.
— Il lui faudra se reposer ici un moment, puis son mari pourra l’emmener chez eux.
— Parfait, répondit Einar d’un air absent.
Soudain prise de vertige, Meradyce vacilla. Le besoin de secourir Gunnhild l’avait aidée à surmonter son propre épuisement et sa faim. Mais, d’un seul coup, sa fatigue reprit le dessus, et ce fut en vain qu’elle tenta de lutter contre la faiblesse qui l’envahissait. Ses jambes se dérobèrent sous elle, et, la vision troublée, elle s’effondra.
Alarmé, le Viking se rua vers elle et la souleva dans ses bras. Puis, tenant fermement contre
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