La mariage du Viking

bout de son bras se balançait une hache, tandis qu’une énorme épée pendait à sa ceinture de cuir. Aussitôt, manifestement impressionnés, tous les regards s’abaissèrent sur les tables encombrées de boissons, de peur d’offenser le nouveau venu.
    Einar s’avança vers Selwyn, s’assit face à lui et posa sa hache bien en vue à côté de lui. La serveuse écarquilla les yeux, puis s’illumina d’un sourire en voyant le Viking apprécier son décolleté.
    — Ah, Einar ! s’exclama le Saxon dans un rire qui laissa entrevoir le peu de dents qui lui restaient.
    D’un geste impatient, il repoussa la serveuse.
    — Plus tard, ma jolie. J’ai des affaires importantes à régler.
    Un sourire insolent sur les lèvres, l’indésirable s’éloigna en roulant des hanches.
    Selwyn la suivit d’un regard concupiscent avant de se tourner vers Einar. Pour autant qu’un Saxon pût prendre un Viking en amitié, il aimait ce géant blond. D’une part, parce que ce dernier lui avait permis d’augmenter considérablement sa fortune personnelle ; d’autre part, parce qu’il savait pouvoir se fier à lui.
    — Sois le bienvenu, mon ami, déclara-t-il en l’invitant d’un signe à s’asseoir. Que puis-je faire pour toi ?
    — Je voudrais que tu fasses parvenir un message à Kendric.
    — Le thane ? Le chef de ce village qu’une bande de Vikings enragés a saccagé et brûlé avant de lui enlever ses enfants ?
    Einar afficha un lent sourire face à l’hypocrisie du traître.
    — Celui-là même.
    — Alors, murmura Selwyn en se penchant vers le Viking, c’est de rançon qu’il s’agit.
    — Oui.
    — Il est trop dangereux de prendre la mer en cette saison, objecta le Saxon dans une grimace. L’hiver…
    Einar attendit patiemment que Selwyn eût fini de protester. Lorsque ce dernier apprendrait le montant de la rançon, il nagerait jusqu’à Kendric, s’il le fallait, pour récupérer le large pourcentage qui lui serait alors promis.
    Enfin, quand le Saxon estima qu’Einar en avait assez entendu pour évaluer la difficulté de la tâche, il en vint au fait :
    — De quelle somme parlons-nous, exactement ?
    — Mille pièces d’argent pour le garçon, et cinquante pour la fille.
    — Et pour la femme ? demanda Selwyn après un instant d’hésitation.
    — Rien.
    Le Saxon s’affaissa contre le mur.
    — Rien ? Je crois que tu te trompes, mon ami. Kendric paierait n’importe quoi pour…
    Il s’arrêta quand Einar leva une main pour la reposer nonchalamment sur le manche de sa hache.
    — Est-elle en vie ? poursuivit-il, soudain inquiet.
    — Oui, reprit Einar, impassible.
    — Parfait. Kendric n’hésitera pas à payer un sac d’argent pour elle.
    — Puis-je savoir pourquoi ?
    — On raconte partout que c’est la plus belle femme du pays.
    — Quoi d’autre encore ? insista Einar.
    Avant de répondre, Selwyn ingurgita une longue lampée d’ale.
    — Il n’y a pas meilleure sage-femme à des lieues alentour.
    Einar commençait à perdre patience. Ce gredin lui cachait quelque chose.
    — Continue, Selwyn. Je veux savoir tout ce qui se dit dans le pays.
    — Eh bien… Il y a certaines rumeurs…
    — Quelles rumeurs ?
    — Au sujet de Kendric…
    — Qui sont ? demanda Einar, implacable.
    — Kendric y était très attaché.
    Einar se pencha vers le Saxon.
    — Comment… très attaché ?
    — Hum… Il l’aimait beaucoup, lâcha Selwyn dans un haussement d’épaules.
    Sans crier gare, le Viking bondit en avant et agrippa le Saxon par le col de sa tunique.
    — On peut aimer beaucoup son cheval ou son chien. Comment y était-il attaché ?
    Selwyn avait maintenant les yeux exorbités de peur et, lorsqu’il parla, Einar sut que, cette fois, il disait la vérité.
    — Je… J’ai entendu dire que Kendric désirait en faire sa maîtresse, mais qu’elle ne voulait pas de lui. Du moins, tant qu’il était marié.
    Le Viking lâcha brusquement son interlocuteur et appela la servante.
    — Apporte-nous de l’ale, marmonna-t-il lorsqu’elle s’approcha d’une démarche chaloupée.
    Selwyn, qui transpirait à grosses gouttes, se passa une main sur la gorge.
    — Certes, elle n’avait pas tort de se refuser. Kendric aime les femmes et, dans le village, le bruit court qu’il sera bientôt élu ealdorman, et, de ce fait, deviendra très riche. Peut-être voulait-elle enflammer son désir avant de…
    — Il n’y aura pas de rançon pour elle,