La mariage du Viking
trancha sèchement Einar.
— C’est peut-être mieux ainsi, répliqua l’autre, les yeux baissés. Elle ne doit plus valoir grand-chose, maintenant.
— Assez parlé de cette femme ! laissa brusquement tomber le Viking.
Selwyn n’insista pas et acheva sa bière.
— Quand penses-tu pouvoir remettre le message à Kendric ?
— C’est difficile à dire. Cela dépend du temps. Certains bateaux remontent encore du sud dans cette direction, mais plus pour longtemps.
Einar comprenait fort bien que Selwyn cherchait par tous les moyens à obtenir davantage d’argent.
— Dis-lui que nous lui amènerons ses enfants au printemps.
Le Saxon acquiesça puis leva vers Einar un regard sournois.
— Et moi, Einar ? Combien m’offres-tu pour les risques que je vais prendre ?
— Un centième du prix de la rançon.
— C’est bon, reprit le Saxon dans un petit sourire satisfait.
— Dis-lui que, si je renifle quelque tricherie, il le regrettera.
Selwyn grimaça d’un air entendu puis ajouta, dans un murmure qui fleurait la conspiration :
— Et s’il exige des nouvelles de la femme ?
— Paiera-t-il pour les enfants ? contre-attaqua Einar sur un ton irrité.
— Oui, certes, il paiera.
— A quoi ressemble-t-il, ce thane ?
Sans répondre, Selwyn considéra sa chope vide. Puis, lorsque Einar lui offrit une troisième ale, il répliqua en se frottant la barbe :
— Il est… comment dirais-je ? Sans vergogne, et plutôt ambitieux.
— Est-il vieux ?
— Non, il a environ ton âge. Il a belle allure aussi. Et j’ai ouï dire qu’il savait se battre.
— Ses hommes le suivent-ils de bon gré ? s’enquit Einar, soupçonneux.
— Oh ! il sait leur parler. Mais, on dit de toi que tu ne ramènes jamais beaucoup d’esclaves. Est-ce vrai ?
— Là n’est pas le sujet qui nous préoccupe, riposta Einar en lui agrippant violemment le bras. Que dit-on d’elle ?
— D’elle ? Qu’elle est orgueilleuse. Elle ne se mêle pas aux petites gens. Certains prétendent que c’est à cause de sa beauté, dont elle est très fière. D’autres disent qu’elle serait plutôt fière de ses dons. Ils ont tous un peu peur d’elle, je crois.
Selwyn se pencha au-dessus de la table et ajouta, dans un sourire édenté :
— Et toi, Einar, qu’en penses-tu ? Etait-elle fière quand tu l’as entraînée de force vers ton bateau ?
Le Viking en avait assez entendu. Il se leva et considéra gravement Selwyn.
— Va dire au Saxon ce que j’exige en échange de ses enfants, et dis-lui aussi qu’il aurait dû profiter de cettefemme tant qu’il l’avait à sa disposition. Personnellement, je la trouve… fort à mon goût. Je ne la lui rendrai pas.
Sans rien ajouter, Einar tourna les talons et s’éloigna, certain que Selwyn transmettrait fidèlement son message à Kendric. Peu lui importait que cet homme crût celle qu’il convoitait aux mains des Vikings ! Un guerrier, qui avait trahi son propre peuple pour les yeux d’une belle, méritait bien de perdre le sommeil à imaginer celle-ci entre les bras d’un autre !
Bien piètre consolation pour Einar, en vérité. N’avait-il pas, lui aussi, passé des nuits entières à songer à l’inaccessible Meradyce, qui dormait non loin de lui ?
Le Viking sortit dans les rues animées de Hedeby. C’était une grande cité fortifiée, dont le mur d’enceinte se prolongeait d’un énorme ouvrage de terre s’étirant jusqu’à Hillongstead, sur la mer du Nord, dans le but de défendre la cité contre d’éventuels assaillants surgis du sud. Deux portes seulement permettaient de pénétrer dans la forteresse ; celles-ci, ainsi que le port, restaient les seuls accès à l’intérieur de la ville, érigée à la frontière du royaume franc.
Dans la cité, les rues grouillaient de gens, il régnait un bruit permanent, et toutes sortes d’odeurs emplissaient l’atmosphère. Einar détestait ce genre d’endroit, qui semblait regorger d’étrangers autant que de voleurs. Il préférait de loin la quiétude de son village, où chacun se connaissait.
D’un pas pressé, le Viking se rendit à l’auberge où il avait laissé ses marins. Lui seul pouvait négocier avec Selwyn, car lui seul avait la confiance de Svend, et lui seul encore parlait couramment le langage des Saxons. Cette incapacité à communiquer évitait d’ailleurs à seshommes d’aller s’enivrer dans les tavernes, et de se trouver mêlés à des rixes
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