La mariage du Viking

Einar ouvrit les yeux et aperçut Lars, debout à l’angle de la maison, sa main serrant comme un étau le bras de la Saxonne.
    Vaguement honteux, le Viking lâcha brutalement Ingemar et s’avança vers le couple.
    — Que faites-vous là ? demanda-t-il en saxon.
    Comme Meradyce ne répondait pas, il reposa la question à Lars.
    — Je l’ai trouvée dissimulée derrière le coin de la maison, expliqua-t-il.
    — Elle peut s’estimer heureuse de ne pas être tombée sur Ull ou un autre de mes hommes, commenta Einar dans un sourire cruel.
    Puis, fixant Meradyce, il poursuivit en langue saxonne :
    — Quelle folle êtes-vous pour vous promener ainsi seule à travers le village !
    Einar paraissait sous l’emprise d’une vive colère.Cependant, la jeune femme avait remarqué le sursaut coupable qu’il avait manifesté en l’apercevant, puis la façon brutale dont il avait repoussé sa compagne. Le savoir embarrassé lui procura une étrange sensation de joie. De l’air le plus tranquille du monde, elle soutint le regard qui la toisait et rétorqua :
    — Je ne pouvais pas dormir. Et vous non plus, je puis le constater.
    Einar la saisit violemment par le bras. Par tous les dieux, elle semblait moins sûre d’elle, à présent ! Dans un lent sourire, il articula :
    — Avez-vous bien joui du spectacle, madame ?
    Meradyce tenta de se dégager, mais il la retint d’une main de fer et, sous le clair de lune, il devina qu’elle rougissait.
    — Je n’ai rien vu.
    — Vous mentez, reprit-il en lui lâchant le bras. Ne vous avisez pas de recommencer pareille folie. Et, estimez-vous heureuse que ce soit Lars qui vous ait trouvée et non… un autre de mes guerriers.
    Se tournant vers ce dernier, Einar lui ordonna :
    — Raccompagne-la chez Olva.
    Lars acquiesça, non sans jeter un regard appuyé vers Ingemar dont Einar semblait avoir oublié la présence. Puis il entraîna Meradyce vers la maison.
    — Viens, dit alors Einar à sa blonde compagne avant de l’entraîner à sa suite.
    Il passa le reste de la nuit dans les bras d’Ingemar et, durant des heures, tenta de se persuader qu’il se moquait d’avoir été surpris par la Saxonne. S’il voulait s’amuser avec toutes les femmes du village, en quoi cela la regardait-il, après tout ?
    Peut-être s’était-elle imaginée à la place d’Ingemar,arc-boutée sous ses caresses, son corps pressé contre le sien pour l’attirer plus profondément en elle, dans des gémissements qui emplissaient la nuit…
    Ce soir-là, lorsqu’il posséda de nouveau Ingemar, Einar garda les yeux ouverts, de peur que l’image de la Saxonne ne vînt se substituer au visage de sa maîtresse.

Chapitre 6
    Au fil des jours, et bien que restant en marge de la vie du village, Meradyce s’intégra peu à peu à la communauté viking. Elle soignait les femmes qui avaient besoin d’elle, ou s’occupait à mille tâches dans la maison d’Olva.
    Si Betha ne s’éloignait guère d’elle et du chaton, à l’exception des rares moments où elle s’aventurait dehors sous la garde d’Endera, Adelar, quant à lui, passait de plus en plus de temps aux côtés d’Einar.
    Au début, Meradyce s’en était montrée inquiète. Non pour la vie de l’adolescent, que la demande de rançon protégeait, mais parce qu’elle se demandait pourquoi le Viking éprouvait le besoin de garder en permanence son prisonnier auprès de lui. Car Einar avait beau se montrer généreux et respectueux envers lui, Adelar n’en demeurait pas moins le fils de son ennemi.
    Songeuse, Meradyce leva les yeux de la laine qu’elle peignait pour Olva, et regarda Endera occupée à préparer le feu pour le repas du soir. Peut-être Einar gardait-il Adelar à ses côtés simplement parce qu’il s’agissait d’un garçon ? En tout état de cause, elle jugeait regrettable qu’il préférât la compagnie d’un étranger à celle de sa propre fille.
    En revanche, il lui semblait étrange qu’Einar n’eût pas d’autre progéniture qu’Endera. Meradyce ne savait quetrop à quel point il plaisait aux femmes — elle rougissait encore de honte au souvenir du soir où elle l’avait surpris dans les bras d’Ingemar —, et il paraissait incroyable qu’un homme aussi viril n’eût pas d’héritier mâle.
    Peut-être avait-il d’autres compagnes, et donc d’autres rejetons, dans des villages alentour ?
    Non sans inquiétude, Meradyce se rappela qu’Adelar avait accompagné Einar jusqu’au