La Marque du Temple
réclusion qui était le nôtre.
IX. À la lecture du mystérieux parchemin, l’eau et le sang du Christ auraient été confiés aux maîtres du Temple, et non à ceux de l’Hôpital, contrairement à ce que nous avait affirmé l’aumônier général de la Pignotte, le père Louis-Jean d’Aigrefeuille, trois ans plus tôt.
Quelles fonctions, quelles relations ces précieuses reliques avaient-elles avec le trésor des hérétiques albigeois pour être mentionnées dans le mystérieux parchemin des dignitaires du Temple ?
X. Comment les fioles qui étaient supposées les contenir étaient-elles passées de main en main avant d’être détenues par l’Ordre de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem ?
Les chevaliers hospitaliers s’en seraient-ils emparés lorsque les biens des Templiers leur avaient été dévolus ? Le trésor des hérétiques albigeois aurait-il aussi été découvert par les Hospitaliers ?
Le grand maître du Temple aurait-il avoué son existence et son emplacement lorsqu’il avait été soumis à la question lors de l’instruction de son procès en sodomie ?
Après tout, il avait bien reconnu moult crimes sous la torture. Avant de se rétracter lors de son jugement devant le Parlement de Paris. Je n’étais pas assez instruit d’icelui pour en juger.
XI. Plusieurs autres questions restaient en attente de réponses à ce sujet. En vertu de quelles affinités, de quels contacts, en quels lieux, à quel moment de leur histoire, les hérétiques albigeois et les chevaliers templiers auraient-ils fait cause commune ? Pour quelles raisons ?
Qui étaient, selon leur volonté secrète, les élus, les destinataires ou les bénéficiaires de ce prodigieux trésor ? Serait-ce Isabeau de Guirande, ma gente fée aux alumelles, l’élue de mon cœur ?
XII. Que signifiait la mention des douze Maisons ? En ces temps-là, l’Ordre du Temple régnait sur plus d’une vingtaine de provinces à travers le monde, dans les royaumes de France, d’Angleterre, d’Espagne, sur la péninsule d’Italie, dans l’empire d’Allemagne, de Hongrie, sans compter toutes leurs commanderies sises en Terre sainte jusqu’à la chute de la Voûte d’Acre.
Je savais que l’Ordre avait possédé dans chacune d’icelles plusieurs dizaines de maisons ou de forteresses. Pourquoi, dans ce contexte connu de tous, le manuscrit secret évoquait-il “douze Maisons” seulement ?
J’avais peut-être la réponse sous les yeux, mais ne la voyais pas encore.
Quelqu’un tambourina à la porte. De plus en plus fort. Je sursautai. Mes dogues, couchés près de moi, grognèrent, babines retroussées.
« Pour l’amour de Dieu, messire Bertrand, ouvrez-moi ! Vous avez loqué la serrure ! » supplia une voix qui ressemblait à celle de Marguerite.
— Nous n’allons tout de même point forcer la porte de ma propre demeure ! » rugit une autre voix plus puissante. Je la reconnus aussitôt. Le chevalier de Lebestourac martelait le battant de ses fortes mains.
La porte grinça sur ses gonds lorsque je l’ouvris. Deux silhouettes se dressèrent devant moi. Leur visage, sous la flamme des torches qu’ils agitaient sous mon nez, prenait des proportions anguleuses, mouvantes et inquiétantes. Raoul d’Astignac se tenait à dix pas, en retrait dans la pénombre, le visage décomposé.
Mon hôte m’informa que messire Romuald Mirepoix de la Tour avait tenté d’abréger ses tourments en se mettant en endura dans la cellule où je l’avais confiné. Selon le rite hérétique.
Il s’était taillé les veines après avoir brisé un pot en grès. L’homme pissait le sang. Il avait perdu connaissance. Son souffle faiblissait. Il était livide. Les battements de son cœur, s’il en avait un, ironisa Guillaume de Lebestourac, étaient à peine audibles.
René le Passeur lui avait apporté son souper, selon mes instructions. Lorsqu’il l’avait vu en pareille déchéance, il avait aussitôt alerté Marguerite et prié le capitaine d’armes de me tenir informé de l’état du prisonnier.
Elle avait jugulé l’écoulement du sang en garrottant ses avant-bras. Elle lui avait ensuite appliqué quelque poudre d’écrevisse. Ou un autre onguent. À la façon des fagilhères, me confirma-t-il. Un large sourire fendait la gueule du chevalier.
Marguerite lui coupa la parole pour me dire que lorsqu’il avait repris ses esprits, il m’avait mandé. Il souhaitait que je lui fasse tenir un encrier, une
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