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La Marque du Temple

La Marque du Temple

Titel: La Marque du Temple Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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gens, des plus nobles aux plus miséreux, dans une aventure sans lendemain ? N’étais-je pas en train de nous mener à un grand désastre ? Par orgueil ?
    Je frissonnai. L’air était chaud. J’étais couvert de sueurs froides. Je sentais ma peau exsuder l’odeur de la peur. Une peur ancestrale me parcourait l’échine. M’envahissait de la tête aux pieds. L’approche de l’ennemi. La peur d’être occis.
    Était-ce la peur des batailles que je n’avais pas encore gagnées ? Ou la peur des batailles que j’avais déjà perdues ? Je ne savais. Je ne comprenais pas cet émeuvement nouveau.
    Serais-je devenu subitement lâche face à l’ennemi ? Capable de récréance ? Je ne sus. Mais de la peur, j’en respirai l’odeur aigre sur ma peau. Elle traversait ma cotte d’armes. Elle ruisselait sur mon col. Elle inondait mes aisselles. Oui, la peur me saisissait le corps et l’âme. La peur de la mort.
    Elle me taraudait depuis deux ou trois ans. La nuit seulement. Dans mes cauchemars. Depuis le jour où je l’avais vue en face. Non point lorsque ma vie se jouait à pile et croix dans l’antichambre de la librairie du château de Beynac.
    Non point non plus lors de la bataille de Bergerac dans les faubourgs de la Madeleine, lorsque je m’étais rué à l’assaut. Non point à Auberoche, après avoir vu un Gascon hurler, catapulté vivant à l’intérieur des enceintes ennemies, un message cousu dans son bliaud.
    Je pris conscience que la peur m’avait sournoisement saisie le jour où Foulques de Montfort avait combattu le chevalier Geoffroy de Sidon. Lors de cette terrible ordalie. Ma vie, celle d’Arnaud dépendaient alors de sa vaillance ou de la chance. Le destin nous avait fait grâce. Il s’en était fallu d’un cheveu.
    Ce jour d’hui, j’avais peur de finir comme tant d’autres, dont la vie avait été glorieusement ou piteusement écourtée lors de l’un des pèlerinages de la Croix en Terre sainte. Au cours de l’un de ces neuf Grands Voyages. Ou lors des chevauchées de la ligue de la paix contre les Croyants en l’hérésie.
    Toutes ces batailles s’étaient achevées dans une mare de sang. Sang des Sarrasins. Sang des chrétiens. Sang des hérétiques albigeois. Du sang, encore du sang. Des veuves, des orphelins, toujours. Quand il restait des survivants.
    Du sang, la couleur, la même pour tous, me hantait la nuit. Elle suintait à présent ce jour. La veille d’une immense bataille. Elle engourdissait ma volonté, mes muscles, mon cerveau.
    Je parcourus nos dispositifs de défense, l’esprit ailleurs, sans voir, sans entendre les salutations que l’on m’adressait. Je ne parvenais toujours pas à chasser de mon esprit l’obsédante découverte que j’avais faite sur les liens qui m’unissaient par le sang à Isabeau de Guirande et rendaient tout espoir de mariage impossible.
    J’observais l’entraînement des cohortes d’intervention rapide d’un œil indifférent. Alors que j’en avais ordonné la formation. Quelle déchéance !
    J’avais stupidement congédié Marguerite sous un prétexte futile, sans lui donner la moindre explication. Elle prenait à nouveau son gîte et son couvert dans les communs, parmi les serviteurs et les servantes.
    Elle s’était pliée docilement à ce nouveau caprice, sentant bien que quelque chose ne tournait plus très rond dans mon chef. Elle s’était accoisée et esbignée sans prononcer une parole. Son regard de chien battu m’avait laissé impavide.
     
     

     
     
    Je devais pourtant me rendre à la force de l’évidence : mon amour pour Isabeau était le fruit d’un amour impossible. Je me surpris à envisager, en mon âme et conscience, qu’il eût pu résulter aussi d’un puissant désir de possession charnelle.
    N’était-ce pas, à la parfin, un impérieux caprice aussi puéril que celui d’une enfant qui réclame à cors et à cris un jouet, la folle envie de posséder le Graal, d’en jouir, d’en user, de le soumettre pour mieux le dominer, qui me taraudait au point de me faire sombrer plusieurs heures durant dans une mélancolie dangereuse ? Au point de négliger ma charge, d’en oublier mes compains et tous ces gens que j’avais promis de protéger ? Au point de renier mes croyances les plus profondes en Dieu et en la Vierge Marie ?
    Partir en quelque aventure nouvelle pour assouvir la fièvre qui rongeait mon corps ? Cette idée, si je la suivais, n’engendrerait, à mes yeux, que

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