La Marque du Temple
de céans ! crut bon de rajouter Raoul d’Astignac.
— Laisser passer, capitaine ! Ils arborent le penonceau blanc », dus-je reconnaître la mort dans l’âme.
Les trois messagers eurent l’outrecuidance de nous sommer de leur livrer dame Éléonore de Guirande !
Faute de quoi notre modeste place serait prise d ’ assaut dans les deux jours et toute la garnison passée au fil de l’épée.
La capture de Cerbère, ou le signe du Scorpion dans la constellation du zodiaque.
Le douzième des douze travaux d’Héraclès
Chapitre 12
À Commarque , en l’an de grâce MCCCXLVIII, le lendemain des nones de novembre à sept jours des ides {xxxi} .
L’émissaire des Anglais se tenait droit sur les arçons. Il me fixa d’un regard méprisant et déclara haut et fort, afin d’être entendu de tous :
« Si cette place ne se soumet pas aux ordres de messire Henri de Lancastre, comte de Derby, les maréchaux de son ost, messires Gautier de Mauny et Franck de la Halle, investiront vos murs et ne feront point de quartier. Ils marchent vers vous à la tête d’une armée considérable. Vous serez descharpis en moins de temps que vous ne pouvez l’imaginer, clama-t-il non sans outrecuidance.
— Auraient-ils brouté en chemin ? Depuis le temps, nous ne les attendions plus ! Sachez cependant, messire, que nous ne prenons nos ordres que de notre suzerain, le baron de Beynac ! Et non de vos maîtres ! répliquai-je vertement. Et ses ordres sont clairs. »
J’eus grand tort de répondre ainsi. Ma réponse était saugrenue. Pire, elle était terriblement maladroite. Je ne m’en rendis compte que trop tard. Le chevalier me toisa et lança d’une voix dédaigneuse, avec un profond dépris :
« Le baron de Beynac est mort, messire Brachet ! Que vous chaut de nous livrer sa veuve ! Vous aurez tous la vie sauve ! » Un silence de plomb accueillit ses paroles. Les chevaliers, les écuyers et les gens d’armes se regardèrent, consternés.
Je regrettai amèrement d’avoir trop tardé à leur apprendre la triste nouvelle moi-même et d’avoir, par la stupidité de ma réponse, offert à cet outrecuidé chevalier l’occasion de jeter le trouble parmi mes compains. Un regret tardif. Trop tardif. Le mal était fait. Les murmures allèrent bon train, prirent de l’ampleur jusqu’à ce qu’on m’interpelle :
« Messire Brachet, le saviez-vous ? Parlez, de grâce ! » implora Guilbaud de Rouffignac qui arborait les armes des Mirepoix sur son surcot. Tous les regards se portèrent sur moi. J’étais confronté à un terrible dilemme : dire la vérité ou mentir. La vérité saperait la confiance qu’ils m’avaient accordée au fil du temps. Le mensonge discréditerait l’autorité dont feu le baron m’avait investi. Le dilemme était sans issue. Je choisis une demi-mesure :
« Messire de Rouffignac, vous êtes bien le seul à l’ignorer. Toute la garnison est au courant. La nouvelle nous est parvenue par pigeon voyageur, il y a quelques jours, il est vrai. Je ne vous ai pas réuni en Conseil pour vous en informer officiellement, car j’ai craint que le message ne soit un faux.
« À moins que notre maître n’ait été victime de quelque poison versé dans son breuvage par la main d’un traître à la solde de son cousin ? N’est-il pas capitaine ? dis-je en me tournant vers Raoul d’Astignac, qui ouvrit des yeux ronds comme des citrouilles, mais ne réagit pas d’autre façon.
« Par ces temps de guerre, l’ennemi veille, soudoye de nombreux espions et guette la moindre occasion de faire courir de fausses rumeurs pour semer la discorde dans le camp adverse et démoraliser nos garnisons. La fidélité et la vaillance de la nôtre seraient-elles vacillantes, messires ?
— Trahison ! Trahison, que tout cela, persifla messire de Rouffignac en guise de réponse.
— Gardez-vous de prononcer certains mots en présence de l’ennemi ! Il pourrait vous en cuire. Je ne doute pas toutefois qu’ils aient dépassé votre pensée. Et quand bien même le baron serait mort, en quoi icelle nouvelle serait-elle de nature à rompre notre allégeance à sa cause ? » rétorquai-je en espinchant vers l’émissaire du comte de Derby. Il jubilait de voir la zizanie s’installer parmi nous.
« D’aucuns pourraient y voir signe de récréance, repris-je. La disparition d’un des nôtres serait-elle cause suffisante pour rompre le combat ? Si
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