La Marque du Temple

a profité de ma position pour me plaquer sa sale patte sur le bec avant de me bâillonner et de se jeter sur moi !
    « L’explication vous satisfait-elle ou voulez-vous ouïr d’autres détails ? » hoqueta-t-elle en me fixant de ses yeux baignés de larmes.
    Je regrettai amèrement mes propos, mais me tus. Je m’approchai lui posai les mains sur les épaules et l’accolai. Elle se raidit, puis s’abandonna contre moi en pleurant à chaudes larmes. Je caressai ses cheveux plus doux que la soie.
    Marguerite m’aurait confessé plus tôt ce qu’elle venait de dire et de subir, je ne l’aurais point crue. Mais à présent j’étais convaincu qu’elle disait la vérité. Toute la vérité et ce, depuis le début de cette expédition. Depuis l’accident survenu en franchissant la trappe jusqu’à ce déplorable instant.
     
    Jolie fleur dans l’eau,
    Douce est ta peau.
    Dur sera ton cœur
    Qui saigne sur l ’ heur
    Pour ne pas blanchir
    De l’avoir pu ouïr,
    Ce cuistre surgi
    Du fond de la nuit.
     
    Sans en rougir,
    Il tenta de jouir
    En plantant son dard
    Entre tes cuisses.
    Qu’il s’en réjouisse,
    Tel un grand cochon
    Qui, à sa façon,
    Renifle le lard
    Quand il faut humer
    Parfum de vierge,
    Plus doux qu’un cierge.
     
    Vert de rage, je me tournai vers Arnaud pour le sermonner vertement. Je n’étais pas prêt de lui pardonner un comportement aussi ignominieux :
    « Quelle que soit l’amitié que je te porte, en tentant d’abuser de notre servante, tu as déshonoré notre qualité d’écuyers. Tu es pire qu’un cuistre ! Tu es un maître-chanteur, une bête répugnante qui ne respecte rien, dans le seul but d’assouvir tes sens libidineux. Une pauvre servante ! Comment as-tu pu oser ? En ma présence qui plus est !
    — Une servante n’est-elle point faite pour servir ? se permit-il avec insolence, en me morguant de haut.
    — Pour servir le baron en sa lingerie. Oui, assurément. Notre maître jugera lui-même du châtiment qu’il convient de t’infliger si tu ne présentes pas incontinent tes excuses à Marguerite ou si elle n’accepte pas de les recevoir de ta bouche.
    « Le seigneur de Beynac rendra à ton encontre bonne justice. Je ne doute pas qu’il te réserve un traitement exemplaire, par le Sang-Dieu ! Le pilori, à moins qu’il ne choisisse le doux supplice du pal, comme le bon roi Hugues de Lusignan ?
    « Et puis, il suffit à la parfin ! Brisons là, nous réglerons cette affaire plus tard, dès son arrivée au château de Commarque. À moins que tu ne préfères répondre de tes actes incontinent et céans, l’épée à la main ? Je jure de t’occire sans pitié et sans autre forme de procès ! » lui crachai-je à la figure, en desforant à moitié l’épée que je venais de rengainer.
    Arnaud tremblait de la tête aux pieds. Il me fixa un long moment d’un regard chargé de haine. Il pesait manifestement le pour et le contre, puis se ravisa et nous tourna le dos.
    « Pour l’heure, prenons quelque repos ! Si nous le pouvons encore ! » ordonnai-je, complètement désemparé.
    En fait, nous ne réglerions cette affaire ni tantôt ni plus tard. À notre réveil, messire Arnaud de la Vigerie, second écuyer du baron Fulbert Pons de Beynac, avait proprement et mystérieusement disparu dans les souterrains.
    Messire Arnaud de la Vigerie s’était esbigné, évanoui comme un lutin. Sans laisser de traces. Avec armes et bagages.
     
    Nous ne devions plus le revoir de sitôt.

Le sanglier d’Erymanthe, ou le signe du Capricorne dans la constellation du zodiaque.
     
    Le quatrième des douze travaux d’Héraclès
     
     
     
     
    Chapitre 4
    À Commarque, en juillet de l’an de grâce MCCCXLVIII, l’avant-veille et la veille des calendes de juillet {xvi} .
     
    « Un pas de plus, messire, et vous serez châtré ! Un pas de moins et vous serez occis ! » Mon épée pointée sous le ceinturon ne laissait aucun doute quant à mes intentions.
    « Votre choix, capitaine, votre choix incontinent ! Car vous vous nommez bien Raoul d’Astignac ? Vous êtes bien le capitaine d’armes de cette place ? » lui demandais-je, fort de la description que le baron de Beynac m’avait faite du capitaine qui commandait la place de Commarque.
    L’homme était maigre, tête nue, de taille moyenne et fort peu avenant. Le crâne, qu’il avait chauve comme un œuf, suait abondamment et contrastait avec le poil noir du collier de sa barbe, taillée à la