La Marque du Temple

de s’égarer plus bas, sous l’eau du bain. Il me chatouillait agréablement. Au point de provoquer la vigoureuse érection sous-marine d’une sorte de hampe que j’imaginai plus grosse et plus dure qu’une courge du Pierregord.
    Je rêvai des délicieux moments passés plusieurs mois durant en la compagnie de la princesse Échive de Lusignan, fille aînée du roi de Chypre et de Jérusalem.
    De la nudité de nos corps couchés l’un sur l’autre. Des deux pièces de soie dont l’une était brodée aux armes d’Isabeau de Guirande, et l’autre aux armes des Lusignan, accompagnées en canton d’une Dame de Cœur sur l’une et d’une Dame de Trèfle sur l’autre. Du parchemin où elle me déclarait son amour. Une claque de vent l’avait emporté, mais les paroles resteraient gravées en ma mémoire à tout jamais.
    Puis mes pensées divaguèrent pour revenir vers Marguerite. Un certain soir, il y avait plus de trois ans déjà, elle m’avait apporté un rayon de soleil alors que je croupissais dans l’antichambre de la vie et de la mort en la librairie du château de Beynac.
    J’attendais l’exécution de la sentence criminelle qui planait sur moi, suite au meurtre du chevalier de Gilles de Sainte-Croix, commandeur pour l’Aquitaine de l’Ordre de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem. Pour un crime que je n’avais pas commis.
    Un autre jour, par une belle journée de printemps de l’an de grâce 1346, nous avions chevauché par pechs et combes avant de démonter dans une petite clairière qui ne devait point être très éloignée du château de Commarque.
    Je l’avais longuement biscottée sur l’herbe fraîche de la reverdie avant de tenter de la forcer, lorsqu’elle m’avait avoué être promise par son père, au seuil de la mort, à un cul-terreux estropié de Saint-Julien de Lampon.
    Ce jour-là, je n’étais parvenu à contrôler mes sens en ébullition que par un sursaut de volonté, par la force de ses arguments et par la conscience du mal que je lui aurais fait si j’étais passé outre à ses suppliques.
    Nous étions alors aussi naïfs l’un que l’autre. À dater de ce jour, nous n’avions échangé furtivement, entre puceau et pucelle, que quelques patounes langoureuses. Ah, oui ! Je me souvenais bien de ces doux moments !
    Quelques semaines plus tard, nous avions bien failli être pris et occis par les Anglais, René et moi, lorsqu’ils eurent investi de nuit la bastide royale du Mont-de-Domme avec la complicité des traîtres qui furent pendus deux ans plus tard au bois des Dames.
    Nous n’avions eu la vie sauve que grâce à mes talents pour gripper le roc. Ces maigres talents, je les tenais de ma lingère {xviii} .
     
     

     
     
    La fée exerçait à présent une caresse plus pressante en des endroits trop sensibles pour que je ne sorte brusquement de la torpeur qui avait engourdi mon esprit.
    J’écarquillai les yeux et constatai que la fée n’était autre que Marguerite dont l’un des bras plongeait jusqu’à l’épaule dans mon baquet.
     
    « Mais, Marguerite, que fais-tu là, à la parfin ?
    — La Marguerite, elle vous récure, messire Bertrand, elle vous récure, à sa façon ! gloussa René.
    — Regardez la couleur de l’eau. Vous étiez plus sale qu’un porc dont on n’aurait pas changé la litière depuis Mathusalem ! s’exclama-t-elle.
    — J’aimerais b’en être récuré, moi aussi ! pouffa René après avoir espinché de mon côté en se tordant le col.
    — Oui, mais vois-tu, tu es monstrueusement barbu. Et je n’ai point d’inclination pour iceux, répliqua-t-elle.
    — J’serai presque jaloux, messire Bertrand. Suis monstrueux à l’en accroire. Suis rouquin. N’suis ni beau ni d’noble naissance. Oyez : n’pourrait onques séduire une jolie lingère, dit le brave homme, dépité.
    — Mais si, René, tu es fort, dit-elle en s’approchant de lui, en lui tâtant les bras et en frottant vigoureusement ses cheveux hirsutes.
    « Et tu es de grande noblesse par le cœur, mais vois-tu, le mien est pris ailleurs. N’est-ce point grande vertu que la noblesse du cœur, messire Bertrand ?
    — La plus belle qui soit. Patiente encore un peu, René, tu sauras bien trouver en ces murs quelque fille à ton goût. J’en aperçois une qui n’a d’yeux que pour toi, le rassurrai-je.
    — Vous moquez pas d’moi. Il y a là chatonie de vot’part !
    — Que nenni. Jette un œil derrière toi et regarde qui louche sur