La Marque du Temple
n’en avais rien fait. Nous avions poursuivi notre route plusieurs heures durant, à la lueur parcimonieuse de nos calels. Nous n’avions plus de torches et le parcours s’était avéré fort dangereux.
Sous la conduite de Marguerite cette fois, nous avions franchi d’autres boyaux, une rivière souterraine qui sourdait dans un conduit annulaire, brisé quelques ossements d’animaux, rampé et progressé jusqu’à parvenir à un puits probablement utilisé pour l’évacuation des déblais. Il était dûment représenté sur le mur, cent pas plus avant, et indiquait un risque d’éboulement.
Un examen attentif du sol et du conduit nous avait réservé deux surprises de taille : sur un petit tas de cailloux et de terre qui jonchait fraîchement le sol, René avait repéré l’éclat doré d’un objet qu’il m’avait présenté et Marguerite avait repéré l’issue qu’Arnaud avait certainement empruntée pour s’extraire.
Arnaud avait-il eu connaissance des lieux à mon insu ? C’était peu probable. Redoutait-il le châtiment qui pouvait l’attendre à notre arrivée ? Je ne savais. En revanche, plutôt que de poursuivre sa route jusqu’au château de Commarque, il avait jugé opportun de quitter le souterrain à cet endroit, à ses risques.
L’orifice béait au-dessus de nos têtes et paraissait juste assez large pour permettre à un homme de s’y glisser sur une hauteur d’environ une toise. Mais personne d’autre qu’un singe n’aurait pu, à mon avis, en gripper les parois pour le franchir, eu égard à l’étroitesse du conduit.
Marguerite nous avait expliqué que c’était là un jeu d’enfant. Il aurait suffi à Arnaud d’attacher la corde à nœuds à l’extrémité de sa lancegaye, de la projeter à l’intérieur du conduit vers le haut, de renouveler l’opération jusqu’à ce que le bois se fiche en travers de la partie supérieure du trou d’air et se hisser dehors à l’aide du cordage.
Nous avions tenté de vérifier cette intéressante possibilité. Malheureusement, le passedoux de notre lancegaye était resté fiché dans ce qui nous avait semblé être une planche de bois. En faisant à René la courte échelle, il avait vainement tenté de soulever ce qui obstruait la partie supérieure du conduit et n’avait réussi qu’à récupérer le pique et à m’écraser les doigts.
Il paraissait évident qu’Arnaud, pour éviter que nous ne nous lancions sur ses traces après s’être extrait du puits, l’avait obstrué en le couvrant de planches trouvées ici et là et avait probablement entassé des pierres par-dessus pour alourdir l’ensemble et nous interdire toute sortie par cette voie.
L’objet que René avait découvert était une bague en or qu’ornaient des armes en émaux cloisonnés, d’argent à l’aigle de sable, chargé d’une cotice de gueules brochante .
À quel gentilhomme appartenaient ces armes, je n’en savais fichtre rien. Il était vrai qu’en matière de science des blasons et autres armoiries, mes connaissances étaient singulièrement limitées ! L’anneau d’or était éraflé, mais il brillait d’un vif éclat. Le fin cordon de cuir, passé dans l’anneau, l’avait reliée au col de son propriétaire. Il était rompu, mais en bon état.
Tous ces indices laissaient présumer que quelqu’un avait franchi récemment ce goulet et y avait perdu ce bijou. Était-ce Arnaud ? Onques, il ne portait de bague.
Était-ce quelqu’un d’autre ? Cela me paraissait bien invraisemblable. Les coïncidences étaient par trop curieuses. J’avais glissé l’anneau dans mon aumônière et nous avions repris notre route jusqu’à parvenir à un bel escalier en pierres de taille qui nous avait menés droit dans une petite crypte.
Nous avions alors cru être parvenus à destination. René semblait confiant. Pourtant, la crypte ne donnait sur aucune porte ou grille, en bois ou en fer. Le baron n’avait pas évoqué ce terrible obstacle. J’en étais venu à douter de lui et n’avais pu m’empêcher de craindre qu’il ait envisagé de nous emmurer dans un dernier piège mortel.
En face de nous, il n’y avait qu’un cercle gravé dans la pierre, surmonté de deux mots étranges. Le cercle était découpé en quartiers, à la manière d’un écu écartelé en sautoir.
Au centre du cercle, une croix d’Occitanie était gravée dans la pierre. Chaque branche était surmontée des trois clochettes
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