La Marque du Temple
sceau de la confession ce que l’homme d’armes ne m’avait pas avoué sous la menace, il risquait sa vie. Je fis comprendre à Raoul d’Astignac qu’il pouvait disposer et le priai de me remettre les clefs de la grille qui fermait l’entrée du cachot.
Le chapelain était agenouillé devant le corps du pénitent. Il lui administra l’extrême-onction, puis il acheva son sacerdoce en lui fermant les paupières.
Pressé par mes questions, le curé me rappela qu’il ne pouvait être délié du secret de la confession que par l’évêque ou l’abbé de Sarlat. J’en convins, sauf à le soumettre à son tour à la question ordinaire, mais le suppliai de ne pas laisser croire que le prisonnier avait parlé avant de mourir, faute de quoi sa vie serait en plus grand danger encore que la mienne.
Il saisit très vite ce que ma mise en garde sous-entendait et me promit de pêcher par omission et de clabauder à tout va que Julien Liorac avait rendu l’âme avant de pouvoir être reçu en confession. Je l’invitai cependant à ne point trop en faire, sinon d’aucuns pourraient bien douter de la sincérité de ses propos.
« Restez quiet, messire, restez quiet ; je n’en dirais que le nécessaire. Mais restez vous-même en grande vigilance. Le mal rôde autour de vous. Il rampe sournoisement en ce village, prêt à planter ses crocs venimeux dans sa proie. Les raisons me dépassent, mais je le sens plus dangereux qu’un aigle royal. »
J’envisageai de poster un garde en permanence devant le modeste prieuré de l’homme de Dieu, puis me ravisai : cela irait à l’encontre de l’idée que je voulais faire accroire, à savoir que le chapelain ne craignait pas pour sa vie, puisqu’il ne savait rien.
Je décidai cependant de prier Élastre de Puycalvet, Amaury de Siorac et son compain, Guy de Vieilcastel, les trois écuyers à qui j’avais accordé sur l’heure ma confiance, de me référer le nom de ceux qui tenteraient de serrer d’un peu trop près le chapelain pour prendre langue avec icelui. Peut-être avais-je tort. L’avenir me le dirait.
Ils refusèrent l’écu que je leur tendis discrètement pour tester leur probité, déclarant souhaiter me rendre ce service, eu égard à l’estime qu’ils me portaient, sans prétendre se voir bailler pour autant les deniers de Judas par le nouveau grand prêtre du Temple de Commarque…
J’avais commis un faux pas à leurs yeux. Mais il me confortait dans la confiance que je leur accordais.
Le chapelain, lors de l’homélie qu’il prononça pendant l’office, eut l’adresse de regretter que l’on se livrât en ce château à des questionnements au point d’écourter la vie d’un malheureux, d’un innocent, mort avant d’avoir été entendu en confession et d’avoir reçu les derniers sacrements, avait-il prêché, non sans une grandiloquence excessive. Mais il n’en dit ainsi que ce qu’il fallait pour faire croire ce dont nous étions convenus.
Après avoir reçu la communion et m’être fait rendre compte du respect de mes consignes, de l’entraînement des hommes d’armes et avoir examiné les premiers plans de la construction du couillard, j’expédiai mon souper en présence des chevaliers et des écuyers de la place.
Plusieurs conciliabules s’étaient interrompus à mon arrivée et le repas s’était déroulé dans un silence toujours aussi monacal, pour ne pas dire hostile, de la part d’aucuns convives.
Ma première entrevue avec la châtelaine Guirande de Beynac me laissait songeur. La nature l’avait dotée, outre d’un corps superbe qu’elle savait mettre en valeur sans pudeur, d’un esprit affiné. Il ne me serait pas facile de lui délier la langue.
Sa beauté brune, plus glaciale que l’eau de la source qui se déversait en bas des enceintes, cachait mal les braises qui couvaient derrière son regard. Les traits de son visage n’étaient pas d’une finesse exceptionnelle, mais ils reflétaient un caractère bien trempé, aussi solide que l’épée la mieux forgée et aussi tranchant qu’un rasoir bien aiguisé.
Cet aspect fier et fendant était cependant démenti par la sensualité de sa bouche, et les formes remarquablement rondes de son corps par trop bien proportionné n’auraient pas laissé indifférent un eunuque dans son harem.
La partie contre elle devait reprendre le lendemain. Elle ne serait point aisée à jouer.
Avant de monter lui rendre une deuxième visite
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