La Marque du Temple
d’armes, René le Passeur, jusqu’à l’arrivée de notre maître, le baron de Beynac. Il vous sera fait procès équitable. »
Le chevalier Romuald Mirepoix de la Tour blêmit, sa barbe frémit. Il bomba le torse, mit la main à l’épée et s’apprêtait à desforer, lorsque le capitaine d’armes lui intima vivement :
« De grâce, n’opposez point de résistance. Nous serions contraints de nous saisir de vous par la force ! Ou de vous occire ! »
Les deux sergents d’armes qui accompagnaient Raoul d’Astignac se placèrent incontinent à la dextre et à la senestre du chevalier, tandis que deux arbalétriers, arbalètes bandées, se mirent en position de tir. Leur air déterminé ne laissait planer aucun doute quant à leurs intentions s’il venait à manifester le moindre signe de résistance.
J’observai la scène à vingt pas. Dents serrées, la barbe tremblotante, ses yeux s’agrandirent et louchèrent sur son nez en bec d’aigle, en proie à un mélange de colère et de peur. Mais de l’aigle, il n’avait que le bec.
« Votre épée, messire. Veuillez me remettre votre épée ! » lui ordonna Raoul d’Astignac, d’une voix calme. Abasourdi, après un instant d’hésitation, le chevalier défît son ceinturon et, dans un geste de dépris, le jeta à la figure du capitaine qui l’évita de justesse :
« Le jour viendra où vous, Raoul d’Astignac, qui êtes félon aux causes qui ne servent pas vos ambitions, m’en rendrez compte sur votre vie ! Dans ce monde ou dans un autre ! » hucha-t-il, l’air menaçant.
— Ce jour ne viendra point, messire. Nous sommes des officiers. Nous obéissons aux ordres et n’avons point d’état d’âme. Mais, de grâce, épargnez-nous vos farceries. »
Mirepoix de la Tour ne bombait plus le torse. Il se dégonfla aussi vite qu’une baudruche percée par l’aiguillon d’un éperon, trébucha, se redressa péniblement, le dos voussé comme un âne bâté, le nez roupieux et suivit accablé, les gens d’armes.
Je pris presque en pitié cet homme âgé d’une soixantaine d’années : s’il s’avérait coupable du meurtre de Julien Liorac, quand bien même il ne serait que complice de l’assassinat du chevalier Gilles de Saint-Croix, les heures qui lui restaient à vivre étaient petitement comptées.
Mais l’était-il vraiment ? Tout me portait à le croire. Les apparences sont cependant souventes fois trompeuses et peuvent égarer les esprits les plus honnêtes dans leur quête de la vérité. Mon inexpérience ne me conduisait-elle pas à prendre mes désirs pour des réalités ?
Car malheureusement, outre mes propres convictions, les preuves formelles faisaient cruellement défaut : le chapelain était le seul à détenir le secret de la confession de Julien Liorac, et Mathieu Tranchecourt était mort empoisonné avant que je puisse recueillir son témoignage par écrit et le voir confirmé par d’autres gens.
J’avais cependant décidé l’arrestation du chevalier Mirepoix de la Tour en raison des trop nombreuses suspicions qui pesaient sur lui. Trop de crimes, trop de meurtres ou de tentatives d’assassinat avaient été commis ces dernières semaines, auxquels j’espérais mettre fin en séquestrant et en emmurant le ci-devant chevalier jusqu’à la venue du baron.
L’avenir me dirait si ces mesures de précaution porteraient leurs fruits. Sans avoir à le soumettre à la question, ce qui était hors de mes pouvoirs à l’encontre d’un chevalier de la place. Sauf à obtenir de l’accusé des aveux spontanés, ce dont je doutais fort. À défaut, je devrais répondre de mes actes devant le tout puissant baron du Pierregord.
Restait à serrer de près Guilbaud de Rouffignac, l’écuyer qu’il avait à son service. Séparé de son maître, s’il avait trempé dans quelque félonie, je savais comment m’attirer ses bonnes grâces, voire lui extorquer des aveux. S’il n’était point directement impliqué dans ces meurtres, mais avait agi en qualité de simple complice d’icelui, sa langue se délierait plus facilement.
J’avais bien l’intention de mettre fin à cette conspiration du silence, de crimes et de sang, par tous les moyens à ma disposition. En maniant la garoitte et le bâton. Et découvrir la vérité, tout en ayant conscience que, comme l’aurait chanté le troubadour :
L’amour, c’est comme la vérité,
C’est un gouffre qui a toujours faim.
La vérité, c’est
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