La Marque du Temple
extorquiez quelqu’faveur et parveniez à la connaître charnellement, n’ie dîtes point à qui-qui-quionques d’autres qu’à moi. Je garderai le secret. Le baron n’en saura rien. Je l’… jure. »
Serment d’ivrogne, pensai-je in petto, en lui glissant un dernier écu dans la main. J’avais détourné son attention de ce que je redoutais découvrir en fait. Il ne manquerait pas de rapporter mes propos dans la place. Tant pis si l’on devait à présent me regarder d’un œil lubrique. Cela devrait mettre fin à d’autres rumeurs, moult fois plus dangereuses pour la trop belle épouse du baron.
Ce soir, le sergent d’armes, Mathieu Tranchecourt ne m’en apprendrait pas plus avant. Il m’avait déjà bellement bien instruit. Je pourrais toujours envisager de le cuisiner discrètement le lendemain. À froid. À froid et à jeun.
« Oh, messire Brachet, j’oubliais un détail. Un simple détail sans… sans… impor… importance : Le Raoul de la Tour-Mirepoix, euh… non, le Raoul Mirepoix de la Tour, le ci-ci-ci-devant chevalier qui s’est gaussé de moi… Vous vous sou-sou-venez qu’il s’est gaussé de moi ? Il est pa-pa-passé par la salle des Ga-ga-gardes, le jour d’la mort de notre compain, Julien Liorac… pour descendre l’esca-ca-lier qui mène aux caca-cachots », me dit-il, avant de s’effondrer de tout son long et de ronfler incontinent.
Le lendemain, Mathieu Tranchecourt avait expiré, sous l’effet d’un excès de consommation de vin sur le foie. L’homme ne tondrait plus les moutons ni ne raserait de barbe. Tout le monde crut à un arrêt du cœur vu son état au petit matin, couché dans la paille, plein comme un fut. Tout le monde y crut. Sauf Marguerite.
Elle était formelle. Certes, son cœur avait cessé de battre. Mais pour d’autres raisons. On lui avait administré un poison mortel, me déclara-t-elle après l’avoir palpé et examiné en secret à ma requête. Des lèvres bleuies, une langue plus noire que le sable d’un blason armorié, des yeux révulsés, autant de sinthomes d’un traitement par la mandragore ou la ciguë. À très haute dose. Une dose de cheval.
Sur son corps, aucune autre marque. Dans ses vêtements, aucune trace des écus que je lui avais baillés la veille. Il me faudrait recouper les informations qu’il m’avait livrées. Ce ne serait point là chose facile. Si d’aucuns avaient envisagé de me parler, ils se tairaient à tout jamais de crainte d’être expédiés les pieds outre, eux aussi.
Le capitaine d’armes, Raoul d’Astignac, me confirma cependant, sans aucune réticence, l’exactitude des faits et des dates que m’avait rapportés Mathieu Tranchecourt avant de rendre son âme à Dieu.
Ainsi, Foulques de Montfort était en le château de Commarque, le jour et à l’heure du meurtre du chevalier de Sainte-Croix. Il est vrai que je m’étais attendu à tomber sur lui, à l’heure des vêpres, lorsque j’avais regagné la forteresse de Beynac. Raymond de Carsac m’avait alors dit qu’il avait pris le tour de garde à sa place, le chevalier de Montfort ayant dû s’absenter de façon imprévue.
En revanche, ni Arnaud de la Vigerie ni le chevalier Romuald Mirepoix de la Tour n’avaient d’alibi ce jour-là. Qu’Arnaud ne s’y soit point rendu était évident : la distance qui séparait le village de Castelnaud-la-Chapelle, où nous nous étions quittés, du château de Commarque, ne lui aurait pas permis de rejoindre icelui avant le crépuscule si tant est qu’il l’ait fait. Mais il pouvait fort bien avoir été présent sur la scène du crime.
De là à penser qu’ils avaient manigancé et préparé ensemble le meurtre du commandeur après avoir conspiré avec le sire Castelnaud de Beynac, il n’y avait qu’un pas à franchir. Pour le franchir, je me rendrais sans trop tarder en la chambre de la baronne. Pour la soumettre plus avant à la question.
La baronne parlerait et me permettrait de poursuivre une enquête qui démentait spectaculairement bien des idées reçues, mais progressait enfin à grands pas. Sur l’heure, je devais mener à bien une autre affaire d’importance.
« Messire chevalier, par ordre du capitaine de céans, messire Brachet de Born, j’ai l’ordre de faire mainmise sur votre personne pour meurtre et tentative de meurtre.
« Vous serez enchefriné, mais bien traité. Vous n’aurez de contact qu’avec messire Brachet et son sergent
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