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La Marquise de Pompadour

Titel: La Marquise de Pompadour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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le château sans avoir été remarqué. Le mystérieux personnage que nous continuerons à appeler M. Jacques avait bien tort de se défier de lui. Non seulement Bernis était trop intelligent pour persister dans ses velléités de trahison, mais encore il avait pour son chef suprême une admiration sans bornes. La scène de la nuit n’était pas faite pour diminuer cette admiration…
    Il résolut d’être désormais fidèle et d’obéir aveuglément.
    Il faut ajouter que sa fidélité à M. Jacques ne pouvait en rien lui enlever la faveur qu’il avait conquise auprès du roi. Au contraire, peut-être allait-il trouver l’occasion de rendre à Sa Majesté de nouveaux services.
    Ce fut donc plein d’ardeur qu’il prit le chemin de Paris et se rendit tout droit à l’auberge des
Trois-Dauphins,
où il demanda à parler à M. le chevalier d’Assas.
    Quelques minutes plus tard il était introduit dans la chambre de d’Assas, et, après l’avoir salué courtoisement, lui demandait :
    – Me reconnaissez-vous, monsieur ?
    Le chevalier examina un instant son visiteur et secoua la tête.
    Bernis avait mis cet instant à profit pour étudier de son côté celui qu’il venait voir. Le chevalier était fort pâle, ce qui prouvait qu’il avait peu ou pas dormi, et il avait les yeux rouges, ce qui prouvait qu’il avait pleuré beaucoup. Il semblait accablé par une morne tristesse. De plus, Bernis remarqua que son portemanteau était ouvert sur le lit et qu’il était en train d’y ranger les effets de parade qu’il avait apportés à Paris ; évidemment d’Assas s’apprêtait à s’en aller.
    – Monsieur le chevalier, reprit-il en voyant que d’Assas secouait la tête, je m’appelle M. de Bernis, et je passe pour un poète passable. M me  de Rohan, dont vous connaissez la réputation d’esprit, me veut quelque bien, et j’ai tout lieu de croire que je ferai mon chemin comme un autre.
    Le chevalier s’inclina poliment, mais froidement.
    – Cette présentation faite, cher monsieur, continua Bernis, et je doute qu’elle vous ait intéressé, je vais vous dire une chose qui vous intéressera davantage : c’est moi qui, l’autre nuit, conduisais le carrosse où se trouvaient M me  d’Etioles et sa Majesté…
    Le chevalier frissonna. Pour ce freluquet importun qui venait ainsi presque insulter à sa douleur, il eut un regard de haine, et ce fut d’une voix que la rage d’amour faisait trembler qu’il répondit :
    – Je vois que vous faites plusieurs métiers, monsieur… tantôt vous faites des vers, et tantôt…
    – Halte ! fit Bernis. Pardonnez-moi de vous interrompre…
    – Et pourquoi m’interrompez-vous, s’écria violemment d’Assas, au moment où j’allais dire…
    – Je vous interromps encore… et c’est parce que je lis dans vos yeux que vous avez une insulte au bout de la langue. Or, mon cher chevalier, si je vous laissais proférer cette insulte, nous serions obligés de nous couper la gorge ce soir ou demain, ce qui n’est rien. Mais je serais aussi obligé de vous quitter sur l’heure, ce qui serait fâcheux pour vous qui ne sauriez pas ce que j’avais à vous dire, et fâcheux pour moi qui serais désespéré de laisser dans le désespoir le gentil garçon que, d’un mot, je pouvais consoler…
    – Que signifie… ? murmura le chevalier étourdi de ce babil.
    – Cela signifie, se hâta de reprendre Bernis, que, conduisant le carrosse de Sa Majesté l’autre nuit, j’ai assisté à toute la scène, et que j’ai trouvé votre attitude héroïque, et que vous m’avez du premier coup inspiré la plus vive et la plus sincère sympathie. En même temps j’ai pu comprendre l’état de votre cœur, ce qui n’était pas trop difficile, et je me suis dit : voici, par ma foi, un gentilhomme qui va pleurer, bien à tort, toutes les larmes de ses yeux, puisqu’il s’imagine… ce qui n’est pas…
    D’Assas bondit.
    – Ce qui n’est pas ! balbutia-t-il en devenant livide. Au nom du ciel, monsieur, expliquez-vous clairement… je sens que ma tête s’égare rien qu’à la pensée que… peut-être… je me suis trompé…
    – Eh bien ! je vais être clair et précis. D’abord, vous croyez que M me  d’Etioles a volontairement suivi le roi ?
    – Oui !…
    – Vous croyez ensuite qu’elle l’aime ?…
    – Hélas !…
    – Enfin, vous croyez que depuis l’autre nuit ils ne se sont pas quittés ?
    D’Assas baissa la tête.

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