La Marquise de Pompadour
patience. Vous avez commis hier de grandes imprudences. Lorsqu’il en sera temps, vous serez prévenu. Tenez-vous prêt. Dès que l’heure en sera venue, vous n’aurez qu’à vous rendre à l’heure qu’on vous indiquera à la petite maison où se trouve celle que vous aimez. Vous vous présenterez à la petite porte bâtarde du jardin. Celle que vous aimez sortira par là. Vous serez prévenu du jour et de l’heure par un billet semblable à celui-ci… D’ici là, prenez patience. Ne sortez pas ou peu. N’allez plus rôder là-bas… »
– Cela se complique et se simplifie en même temps ! murmura d’Assas.
Il eut dès lors la sensation très nette qu’il était engrené dans quelque chose de formidable.
Mais le chevalier aimait. Il était ardemment et sincèrement épris. Il n’hésita pas. Il résolut de se fier au terrible organisateur de toute cette pièce où il jouait un rôle sans savoir si la pièce tournerait au drame ou à la tragédie…
Les jours suivants se passèrent sans incidents.
Lubin était aux petits soins et lui servait des dîners fins, lui tenait compagnie, l’étourdissait de son babil…
Cependant, le matin du quatrième jour, d’Assas, rouge d’impatience, était résolu à faire une nouvelle tentative du côté de la petite maison.
Or, ce matin-là, par la même voie, lui parvint un nouvel avertissement ; c’est-à-dire qu’en se réveillant, il trouva sur la table de nuit un billet ainsi libellé :
« Ce soir, à dix heures, rendez-vous à la porte bâtarde du jardin de la petite maison. Celle que vous aimez sortira. Le reste vous regarde… »
Le cœur de d’Assas battit à rompre et il eut la tentation de baiser ce billet !… Mais soudain il pâlit…
Il y avait un post-scriptum au billet !…
Et le post-scriptum disait :
« Si vous voulez continuer à accepter l’hospitalité qui vous est offerte dans cette maison, et si vous décidez celle que vous aimez à vous accompagner, vous entrerez dans le pavillon d’en face qui est mieux aménagé pour recevoir une femme. »
– Le pavillon d’en face ! murmura d’Assas en frissonnant Oh ! que médite-t-on ici ? Qu’y prépare-t-on ?… Et qui veut-on y tuer ?…
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Chapitre 32 LA NOUVELLE FEMME DE CHAMBRE
L e soir de ce jour, dans ce pavillon d’en face qui inspirait au chevalier de si terribles réflexions, dans ce charmant petit salon où nous avons déjà introduit nos lecteurs, trois personnages étaient réunis.
C’étaient M. Jacques, Juliette et le comte du Barry.
Juliette, debout, évoluait devant M. Jacques, assis, qui la regardait gravement.
Il était quatre heures.
Mais déjà les lampes étaient allumées, soit que la nuit commençât à tomber, soit que les rideaux épais eussent été soigneusement tirés.
– Eh bien ! dit M. Jacques. Ce costume de nuit vous sied à ravir. Il est d’ailleurs identiquement copié sur celui que porte votre rivale. Maintenant, mon enfant, je voudrais bien vous voir dans l’autre costume… Il vaut mieux ne rien laisser au hasard… et souvent un détail, insignifiant en apparence, a renversé de grands desseins…
Juliette, comme l’avait dit M. Jacques, portait un costume de nuit, c’est-à-dire un peignoir de soie d’une richesse et d’un goût merveilleux.
Sur les derniers mots de M. Jacques, elle fit un signe d’assentiment et se retira dans sa chambre.
Elle reparut dix minutes plus tard, vêtue en soubrette, exactement le même costume que Suzon…
M. Jacques l’examina soigneusement, en vérifiant l’identité des détails sur un papier qu’il tenait à la main…
– Très bien, dit-il enfin. Voulez-vous, mon enfant, me répéter ce que vous avez à dire ?
Juliette prononça quelques mots rapides qui résumaient sans doute la leçon qu’on lui avait apprise.
M. Jacques compulsa ses notes et demanda :
– Comment s’appelle la cuisinière ?…
– Dame Catherine, quarante ans, vaniteuse ; il y a une pièce de soie pour elle…
– Les deux filles de service ?…
– Pierrette et Nicole, vingt ans, toutes deux intelligentes et intéressées, ont été choisies par Suzon ; cinq mille livres à chacune…
– Et vous êtes, vous ?…
– La sœur aînée de Suzon…
M. Jacques parut très satisfait de cette sorte de répétition générale.
Il se leva, prit dans ses mains les deux mains de Juliette, et d’une voix qui semblait fort émue :
– Mon enfant, lui dit il, songez
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