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La Marquise de Pompadour

Titel: La Marquise de Pompadour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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s’était longtemps traduit par un véritable emportement à tout apprendre : musique, peinture, gravure, littérature, rien ne lui était indifférent ou étranger.
    Mais il y avait aussi et surtout une inquiétude perpétuelle dans ce cœur, un insatiable désir de connaître le sentiment le plus délicat, le plus raffiné, le plus élevé.
    S’il nous est permis d’employer cette métaphore, nous dirons que Jeanne, alchimiste du cœur, avait souhaité, rêvé, cherché la pierre philosophale de l’amour.
    Elle avait vu de près les hommes les plus spirituels et les plus beaux, les plus nobles et les plus riches, sans être touchée. Richesse, beauté, noblesse, elle voulait l’
absolu
de tout cela, et tous les jeunes hommes qu’elle avait étudiés présentaient une imperfection, une tare vite découverte par cet esprit analytique et perçant.
    – Eh quoi ! se disait-elle alors, serais-je donc simplement une orgueilleuse petite personne, infatuée de mes mérites vrais ou faux, et ce cœur qui tant aspire à parler demeurera-t-il muet ?… Mon cœur est-il vraiment desséché avant d’avoir fleuri ?… Ou bien le soleil qui doit l’animer n’est-il pas de ce monde ?…
    Voilà ce que pensait cette fille extraordinaire, lorsqu’un soir celle qu’elle considérait comme sa mère, M me  Héloïse Poisson, lui dit en la regardant fixement :
    – Viens, mon enfant, allons prier… nous aussi !
    – Prier ! s’exclama Jeanne étonnée.
    – Oui, prier, comme prie Paris tout entier, comme prie le royaume, du nord au midi…
    – Prier !… Pourquoi ? Pour qui ?
    – Pour le roi !…
    Jeanne n’était ni croyante ni incroyante : elle n’avait jamais arrêté sa pensée sur les questions d’au-delà. Quant au roi, il lui était indifférent. Jeanne ne connaissait qu’un dieu et un roi : son caprice. Pourtant, elle suivit Héloïse Poisson jusqu’à la plus proche église.
    Le spectacle que présentait Paris tenait du rêve et du prodige : il est demeuré unique dans les fastes de la France. Les rues étaient noires d’une foule énorme, incalculable ; et l’aspect de cette foule était saisissant et ne ressemblait à aucun autre aspect de foule. Des fleuves d’hommes coulaient lentement et silencieusement vers des océans de peuple qui se formaient autour de chaque église. Un vaste murmure indistinct : on parlait bas, comme si Paris eût été la chambre d’un agonisant. Ici, là, un peu partout, de ce silence montait soudain un sanglot ; et, alors, comme à un signal funèbre, les lamentations éclataient, puis tout retombait au silence. Les portes de toutes les églises étaient ouvertes, et les foules qui n’avaient pu entrer s’agenouillaient dans la rue, sous une petite pluie fine.
    Quelle catastrophe avait donc frappé ce peuple ? Quelle affreuse calamité le précipitait à cette crise de douleur, de larmes et de prières, qui demeure un des phénomènes les plus étonnants de l’histoire ? Quoi ! Chacune de ces familles avait-elle été visitée par la mort ? Quelle peste, quelle hécatombe ? Quoi, enfin ?
    Le roi était malade !…
    Qui pourra jamais mesurer les espérances que le peuple avait dû placer en Louis XV ! Ces espérances devaient être infinies comme ses misères, puisque sa douleur si vraie, si auguste et si touchante, éclata avec une telle force !
    La déception devait être terrible. Elle porte un nom de tonnerre, et s’appelle : Quatre-vingt-treize !
    Mais à l’époque dont nous parlons, Paris en était encore à l’espérance.
    Et cette espérance souverainement naïve, cette espérance qui arrache au poète des larmes de compassion, qui stupéfie l’historien et déroute le philosophe, cette espérance d’une nation qui sortait à peine des tyrannies du grand règne et des orgies de la Régence, se traduisait par une douleur imposante à la seule annonce que Louis était malade.
    Impressionnable au suprême degré, Jeanne souffrit de toute cette souffrance éparse, elle pleura de voir tant de larmes, et le deuil de Paris endeuilla son âme.
    Pendant les quelques jours que durèrent les prières, elle s’exalta peu à peu. Il sembla que toute la douleur de la ville immense fût venue se cristalliser en elle. Son esprit, son cœur, toute sa pensée se donnèrent à ce roi qu’elle n’avait jamais vu, et lorsque la nouvelle se répandit que Louis XV était sauvé, Jeanne pâlit d’une joie puissante et s’évanouit dans les

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