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La Marquise de Pompadour

Titel: La Marquise de Pompadour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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bras d’Héloïse Poisson qui eut alors un singulier sourire.
    Dès ce jour, la vie de Jeanne fut fixée.
    Ce roi que tout un peuple avait pleuré, ce roi dont la convalescence arrachait à Paris des cris d’allégresse, ce roi qu’un chansonnier avait surnommé le Bien-Aimé, surnom aussitôt adopté par le peuple qui dansait dans les rues, ce roi, n’était-ce pas le héros digne d’amour, le prince Charmant attendu, celui que son cœur espérait, puisque ce cœur n’avait encore voulu battre pour aucun homme si beau, si riche, si noble fût-il ?…
    Elle fut éblouie de ce rêve :
    Aimer le roi de France !…
    Etre aimée du Bien-Aimé !…
    Et lorsqu’il fit sa rentrée dans Paris, au milieu d’une multitude délirante, lorsqu’elle l’entrevit au fond de son carrosse doré, un peu pâle et souriant, dans le tumulte des cloches et du canon dans la gloire des épées nues qui l’enveloppaient de leurs éclairs, elle demeura toute saisie, toute raidie, les mains jointes, extasiée…
    Voilà ce qu’était cet amour qui avait pris ses racines dans les profondes rêveries d’une imagination ardente et qui avait fleuri sous la rosée des larmes de tout un peuple.
    Amour presque mystique à son début. Amour qui montait vers un symbole plutôt que vers un homme. Amour qui s’adressa à tout ce qu’il y avait de gloire supposée, de générosité espérée, de grandeur attendue dans cet être lointain, très au-dessus du monde, mystérieux presque et à demi fabuleux qu’on appelait : le roi !
    Insistons-y : ce ne fut pas Louis que Jeanne aima d’abord.
    Ce fut
le
roi
 !
    Et il est presque impossible à ceux qui, l’histoire en main, n’ont pas reconstitué une époque, d’imaginer ce que ce mot évoquait alors de puissance, de noblesse et de gloire.
    Aujourd’hui, un roi n’est qu’un magistrat qu’on discute. Jusqu’à Louis XIII, le roi ne fut guère que le premier gentilhomme du royaume. Louis XIV instaura en France l’idée hyperbolique de roi, c’est-à-dire de l’homme qui est plus qu’un homme, de l’être phénoménal que nul ne songe à discuter et sur lequel on ose à peine lever les yeux ; ce fut de cette idée à demi religieuse que Louis XV hérita.
    Son aïeul ne lui laissa pas seulement un royaume ; il lui légua l’idée de royauté.
    Et c’est cela qu’aimait Jeanne ! Cette délicieuse petite fille, cette exquise statuette de Saxe, cette mignonne créature qu’on pouvait croire absorbée par le souci des frous-frous, dentelles, soies précieuses, bibelots mignards, eh bien, elle s’était dit qu’elle ne pouvait aimer qu’un homme au monde :
    Celui qui représentait la divinité sur terre, presque divin lui-même et objet de l’adoration d’un peuple immense !
    Voilà quel était son rêve !…
    Un état d’âme, dans un roman, c’est un personnage ; notre devoir de romancier nous obligeait à peindre en quelques traits rapides cet état d’âme.
    q

Chapitre 10 TRISTE REVEIL
    L a nuit était profonde dans le somptueux salon, véritable musée où s’entassaient les œuvres d’art et que Jeanne appelait son atelier. Enfouie au fond du divan soyeux, c’est ce rêve prestigieux qu’évoquait la jeune fille.
    – Oh ! murmura-t-elle, avoir conçu de telles magnificences pour mon cœur, et tomber aux bras d’un Le Normant d’Etioles ! Appartenir à ce gnome malfaisant ! Lier ma vie à celle de cette hideur morale et physique ! Je suis perdue ! Nul ne viendra à mon secours ! Ce chevalier d’Assas ! Il a dû recevoir ma lettre… il ne vient pas… il ne viendra pas… je suis perdue !…
    Quelque chose comme un sanglot souleva son sein.
    Tout à coup elle s’aperçut qu’elle était dans l’obscurité noire, et, frissonnante, elle alluma des flambeaux, comme si elle eût espéré, du même coup, chasser les ténèbres appesanties sur son âme.
    Elle était triste à la mort.
    Machinalement, elle se mit à son clavecin ; ses doigts fins comme ceux d’une statue d’albâtre coururent légèrement sur les touches d’ivoire ; et, comme elle cherchait un air à chanter, dans le suprême désarroi de son esprit, ce fut la ronde qui se présenta d’elle-même, la ronde qu’elle avait composée pour ses petites amies de l’Ermitage, la ronde que, si follement, si éperdument, elle avait chantée lorsque le roi lui était apparu !
    Mais combien triste ! Combien navrée fusa de ses lèvres la jolie mélodie si gaie ! Les paroles,

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