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La mort de Pierre Curie

La mort de Pierre Curie

Titel: La mort de Pierre Curie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Neirynck
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avec la faculté des sciences de la rue Cuvier. Il aboutit au secrétariat du doyen, qui était toujours Paul Appell. La secrétaire confirma que Pierre Leclair travaillait encore dans le laboratoire de Marie Curie et qu’elle l’enverrait chercher par l’huissier, lorsque ce dernier serait de retour avec les journaux qu’il était aller acheter pour le doyen. Il n’y avait pas de poste de téléphone dans les laboratoires. À neuf heures et demie, Pierre Leclair se trouvait au téléphone du secrétariat Raoul lui demanda de passer à son bureau de l’Élysée et ils convinrent d’un rendez-vous à onze heures.
    Pierre Leclair n’était pas un inconnu pour Raoul, qui avait fréquenté les laboratoires et les cours des époux Curie. C’était lui, le préparateur qui effaçait avec un soin maniaque le tableau avant que Pierre Curie commence ses leçons. Malgré cette longue familiarité, Pierre Leclair fut manifestement impressionné par une convocation à l’Élysée où il n’avait, bien entendu, jamais mis les pieds. Raoul témoigna d’une amabilité extrême afin de désarmer les inquiétudes d’un vieux monsieur aux cheveux tout blancs, à la barbichette bien taillée, comme si son visage trop plat ne pouvait se terminer qu’en pointe.
    Il avait les doigts abîmés par les manipulations chimiques comme tous les membres du laboratoire Curie. Raoul savait que les produits radioactifs avaient la propriété de brûler la peau : Pierre Curie s’était du reste fait un devoir de le prouver lui-même en collant un échantillon sur son avant-bras. C’était à se demander si les Curie avaient bien compris à l’époque la nature de la découverte, dont ils étaient indiscutablement les auteurs. Ils prétendaient que le radium guérirait le cancer, mais Raoul n’en était pas tellement sûr. Les plaies des doigts de Pierre Leclair suppuraient vilainement, mais il les exhibait sans gêne, comme des blessures de guerre.
    Avec une profusion de détails oiseux, Pierre Leclair raconta comment il avait été le premier à se rendre au commissariat du VI e arrondissement pour y reconnaître le corps. Il avait été prévenu par l’huissier du doyen, auquel un coup de téléphone avait annoncé la nouvelle sous toute réserve, car Pierre Curie ne portait sur lui qu’une carte de visite avec l’adresse de la faculté. De la rue Cuvier à la rue des Grands-Augustins, Pierre Leclair avait mis vingt minutes à pied en se hâtant, faute d’avoir trouvé un fiacre ou un taxi.
    — Pourquoi est-ce vous que l’on a chargé de cette pénible mission ?
    — J’étais seul au laboratoire.
    — Était-ce normal ?
    — Non, habituellement, un jour de semaine, au milieu de l’après-midi, il y avait Mme Curie, le chef de travaux André Lebirne, un autre préparateur et moi-même. Mais j’étais seul.
    — Où était Mme Curie ?
    — Elle assistait à une réunion qui se tenait à Fontenay-aux-Roses. Cela avait lieu dans le pavillon d’un physicien dont j’ai oublié le nom. Mais au fond, je ne l’ai jamais su. Une fois par semaine, il y avait cette réunion l’après-midi, c’était une habitude. Dès le matin, on savait que ce serait cette journée-là parce que Mme Curie. portait alors une robe claire, été comme hiver. Elle allait à la campagne !
    — Ces réunions duraient depuis longtemps ?
    — Non. Cela avait commencé deux ou trois mois auparavant.
    — Et après la mort du professeur Curie, que sont devenues ces réunions ?
    — D’abord on n’a pas revu Mme Curie pendant un mois. Et puis elle est revenue.
    — Et les réunions ont repris à Fontenay-aux-Roses ?
    — Oui.
    Pierre Leclair connaissait un détail qu’il ne souhaitait pas livrer. Raoul en était maintenant persuadé. Il fallait l’amener à se couper.
    — Et ces réunions se poursuivent ?
    — Non. Plus du tout depuis un mois seulement.
    — En dehors de ces réunions, Mme Curie s’absentait-elle souvent ?
    — Pour donner ses cours, à Sèvres avant l’accident et puis à la Sorbonne pour remplacer son mari. Mme Curie est un exemple, toujours la première et toujours la dernière.
    — Aujourd’hui encore ?
    — Aujourd’hui non. Elle est partie hier pour la Pologne passer ses vacances. Comme chaque année à pareille date.
    Pierre Leclair n’était pas très intelligent. Tout le petit monde gravitant dans la faculté des sciences savait qui habitait Fontenay-aux-Roses. En précisant sans

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