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La mort de Pierre Curie

La mort de Pierre Curie

Titel: La mort de Pierre Curie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Neirynck
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mission, qu’il déguisa en souhait vague du président Fallières d’obtenir des renseignements sur la première femme qui allait être élue à l’Académie des sciences. Lebirne répondit de mauvaise grâce aux questions les plus anodines. Raoul se fit plus pressant et il finit par dévoiler sa mission : enquêter sur la mort de Pierre Curie. Son interlocuteur se mura alors dans un silence indigné. Raoul mit froidement le marché sur la table : ou il menait à bien sa mission, ou faute de collaboration, il y renoncerait et l’affaire passerait entre les mains de la police. Après quelques atermoiements, Lebirne accepta de collaborer.
    Raoul lui demanda de communiquer son cahier de laboratoire de l’année 1906. À la date fatidique du 19 avril, plusieurs résultats et commentaires avaient été notés.
    — Vous étiez donc au laboratoire au moment de la mort de Pierre Curie ?
    André Lebirne acquiesça d’un mouvement de tête. On sentait qu’il avait la gorge serrée.
    — Comment se fait-il que ce soit Pierre Leclair qui ait été chargé de reconnaître le corps alors que vous en avez été averti en même temps que lui ? La fonction que vous occupiez, vos liens étroits avec Pierre Curie, tout vous désignait pour vous rendre sur les lieux de l’accident. Ce n’est pas banal d’apprendre que votre patron vient d’être tué. C’est au second de prendre la situation en main. Or vous êtes resté ici, tranquillement, en continuant à effectuer des mesures comme si de rien n’était. Cela n’est pas crédible. Si la police avait été un tout petit peu plus curieuse en 1906, elle vous aurait interrogé.
    — C’était un accident de la circulation. Il n’y a pas eu d’enquête à la Sorbonne parce qu’il n’y avait aucune raison d’en faire. Je ne vois vraiment pas où vous voulez en venir.
    — Je reviens à ma question. Pourquoi n’êtes-vous pas allé reconnaître le corps de Pierre Curie au commissariat des Grands-Augustins ?
    — Parce que Pierre Leclair y était déjà.
    — Comment a-t-il été averti et comment se fait-il que vous ne l’ayez pas été ?
    André Lebirne soupira, jeta un regard égaré par la fenêtre comme s’il espérait un secours de dernière minute, et finit par avouer :
    — Pierre Leclair était sur les lieux de l’accident par hasard, il a vu un attroupement, a suivi le corps au commissariat et c’est lui qui a prévenu par téléphone le cabinet du doyen Appell. Il est revenu à la fin de l’après-midi, bouleversé, et nous a raconté ce qu’il avait vu.
    — Comment se fait-il que Pierre Leclair se soit trouvé rue Dauphine au lieu d’être ici, à son travail ?
    — Les préparateurs vont souvent procéder à des achats dans des magasins spécialisés en matériel de laboratoire ou bien ils vont chercher un livre à la demande du professeur. Pierre Leclair faisait tout simplement des courses.
    — Avouez que la coïncidence est extraordinaire. Il se trouve à point nommé pour assister à l’accident.
    — Il existe beaucoup de coïncidences dans la nature. Il ne faut pas y chercher des significations cachées.
    Lebirne sembla se détendre légèrement, car il estimait sans doute qu’il s’était tiré d’affaire à bon compte. Raoul attaqua sur un autre point :
    — Quel est l’objet de votre querelle avec le professeur Langevin ?
    — Je n’ai pas de querelle avec le professeur Langevin que j’estime beaucoup. C’est une personnalité scientifique de tout premier plan.
    — Je ne parle pas de cela, monsieur Lebirne, vous le savez bien. À plus d’une reprise vous avez eu dans ces locaux des explications bruyantes avec Langevin. À quel sujet ?
    André Lebirne paniqua à nouveau. Il jetait des regards affolés à droite et à gauche, comme s’il espérait un secours impromptu.
    — Il peut y avoir des antipathies personnelles entre deux chercheurs. Cela ne se commande pas. J’estime le professeur Langevin, mais je ne l’aime pas. Ce n’est pas un crime, que je sache ?
    — Êtes-vous au courant des relations entre Marie Curie et Paul Langevin ?
    André Lebirne faillit se lever, puis il se rencogna dans son siège dont il empoigna les accoudoirs jusqu’à ce que ses poignets deviennent blancs. Il se mit à bégayer, ferma les yeux et murmura entre ses dents :
    — Je ne supporte pas cette relation. Ce fut l’objet de l’altercation que vous évoquez. Mais il n’y en eut qu’une seule. Depuis, il n’a

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