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La mort de Pierre Curie

La mort de Pierre Curie

Titel: La mort de Pierre Curie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Neirynck
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coutumière. Ce serait déjà accréditer la version de la droite. Ne parlons même pas du service de renseignements de l’armée : ils ont créé une telle gabegie avec l’affaire Dreyfus qu’il vaut mieux considérer que ce service n’existe pas.
    « Vous êtes dans une position idéale. Vous me renseignerez sans mettre en branle l’appareil judiciaire ou policier. Vous n’êtes pas chargé de dévoiler un coupable, mais de nous donner les moyens de le dérober à la vindicte aveugle du public. Vous pratiquez la politique, vous êtes versé en science et vous disposez d’un ordre de mission permanent qui requiert les autorités civiles et militaires afin qu’elles vous prêtent toute l’assistance nécessaire. Vous êtes discret. Vous êtes connu de Marie Curie, que vous pouvez délicatement avertir de ce qui se trame contre elle.
    « Un cognac avant de partir ?

II
    Comme il faisait trop chaud pour rentrer à pied, qu’il n’avait pas envie d’être cahoté dans un fiacre et qu’il nourrissait des préjugés insurmontables à l’égard des taxis parisiens comparés à sa Peugeot, Raoul revint en métro de l’Élysée jusqu’à la rue Georges-Ville. Il prit la ligne 1 à la Concorde, changea pour la ligne 2 à l’Étoile et descendit à Victor-Hugo. Il nota que le temps pris par le trajet n’était guère plus long que celui qui était nécessaire en Peugeot. Le métro fleurait bon la nouveauté, il avait commencé à circuler avec le siècle et il deviendrait sans aucun doute le moyen de transport préféré des Parisiens. Raoul humait avec délices le parfum de l’ozone, produit par les étincelles électriques, dont il connaissait les propriétés désinfectantes. Cette odeur âcre lui rappela les heures passées dans les laboratoires de chimie de l’École polytechnique à la montagne Sainte-Geneviève et ramena son attention sur Pierre Curie.
    Il avait envoyé Arsène avec la Peugeot chercher des informations à la préfecture de police et à la Sûreté. Le seul acteur du drame qu’il pût encore espérer localiser était le conducteur du fardier qui avait écrasé Pierre Curie. Bien que Raoul ne l’ait jamais rencontré, il estima que seul ce fil ténu lui permettrait d’entamer une investigation. Sa prodigieuse mémoire lui rappela son nom, Louis Manin. Muni de ce viatique, Arsène fut chargé de découvrir et de ramener le personnage rue Georges-Ville.
    En attendant, comme cela pouvait prendre longtemps, Raoul se plongea dans le rapport qu’il avait rédigé le 20 avril 1906 à l’intention du président Fallières, qui venait tout juste à l’époque de prendre ses fonctions à l’Élysée. Celui-ci avait donné pour consigne de ne jamais lui soumettre plus d’une page. Cela suffisait du reste pour transmettre la mauvaise nouvelle.
     
    Le professeur Pierre Curie quitte sa maison du 108, boulevard Kellermann à neuf heures du matin, le 19 avril 1906. Il se rend à l’Hôtel des Sociétés savantes, rue Danton, pour une réunion avec des collègues suivie d’un déjeuner. À deux heures et demie, il les quitte pour passer chez son éditeur Gauthier-Villars afin de corriger les épreuves d’une publication scientifique. Comme les ateliers sont en grève, il continue son chemin vers l’Institut en empruntant la rue Dauphine.
    Au carrefour des quais de Conti et des Grands-Augustins, un fardier de neuf mètres de long, attelé de deux chevaux, transportant six tonnes de tissus militaires chargés à la gare du Nord, débouche du Pont-Neuf Au moment de s’engager dans la rue Dauphine, le cocher, Louis Manin, aperçoit trop tard le professeur Curie qui tente de traverser la chaussée et qui était dissimulé par un fiacre. Il pleuvait à verse et le professeur s’abritait sous un parapluie qui diminuait probablement son champ de vision. Il a glissé sous les sabots des chevaux. La roue arrière gauche du chariot a heurté sa tête et lui a brisé le crâne.
    Des sergents de ville ont relevé le corps qui a été transporté sur une civière, d’abord dans la pharmacie sise rue Dauphine, puis au commissariat de la rue des Grands-Augustins. Le corps a été reconnu par Pierre Leclair, un préparateur du laboratoire de Pierre Curie, qui avait été prévenu par téléphone. L’Élysée a été informé en même temps que le ministère de l’Instruction publique. Le soussigné a été chargé par le secrétaire général de la présidence de se transporter au domicile de la

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