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La mort de Pierre Curie

La mort de Pierre Curie

Titel: La mort de Pierre Curie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Neirynck
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où des portes d’églises furent forcées par la police et où des tabernacles furent ouverts pour évaluer la valeur des ciboires, il fit appliquer la loi républicaine sans concession, mais sans violences inutiles. C’était un virtuose du maintien de l’ordre, un chirurgien des abcès sociaux et le soubassement inébranlable d’une République précaire.
    Le président Fallières le reçut dans son cabinet avec beaucoup de déférence, car il n’était, lui, que le porte-drapeau, symbolique et impuissant, du cortège républicain dont le véritable organisateur se tenait devant lui. Il se leva, lui serra longuement les mains, lui présenta Raoul et le fit asseoir autour de la table basse entourée de fauteuils, qui servait aux conversations protocolaires avec les chefs d’État étrangers. Le sommet de l’exécutif recevait la police et allait discuter d’égal à égal. Raoul remarqua que Lépine était effectivement un paquet de nerfs, petit, vif et maigre. Il devait être aussi très intelligent, car il en fournit un témoignage après que Raoul eut exposé le résultat de son enquête. Il ne prit la parole que pour démontrer à quel point il avait anticipé ces développements et comment il les avait menés jusqu’à leur conclusion logique.
    — Monsieur le président, je n’ai pas attendu que votre collaborateur se penche sur cette affaire pour m’y intéresser, bien entendu. À plusieurs titres, dont le moindre n’est pas ma responsabilité de l’ordre public et de la répression de tous les crimes, quels qu’en soient les auteurs.
    « Tout d’abord, il sautait aux yeux que la publication de la correspondance croisée entre Langevin et la dame Curie par L’Œuvre ne résultait pas de l’effraction d’un meuble par Mme Langevin, assistée ou non par son intéressante famille. Les lettres échangées entre les deux amants supposés étaient naturellement demeurées en leur possession, chaque courrier chez son destinataire, enveloppé sans doute d’une faveur rose, comme il se doit. Ce n’est pas de là que provenait l’indiscrétion, contrairement à la médiocre fable inventée par l’avocat de Mme Langevin. En revanche, mes services interceptaient leur courrier depuis juillet 1910, ils en avaient donc des copies et ils étaient en situation de les transmettre à la presse. Cela se fait le plus souvent sur mon ordre, lorsque j’estime que c’est au bénéfice de l’État. Il faut bien que, de temps en temps, la presse nous serve, au lieu de toujours nous desservir.
    « En l’occurrence, je vous assure que cela n’a pas été le cas parce que le désordre actuel autour de l’affaire Curie ne m’arrange nullement. Je me suis donc intéressé à l’origine de la fuite. Elle provient d’un subalterne, corrompu par le sieur Téry, un inspecteur qui a reçu un salaire misérable pour sa forfaiture. Je l’ai illico transféré à la circulation. Muni d’une cape, d’un képi et d’un bâton blanc, il ne commettra plus de dégâts. Cette affaire est donc réglée. N’en parlons plus.
    « Par la même occasion, je me suis intéressé à cette improbable émeute organisée dans la banlieue de Sceaux devant le domicile de Mme Curie. C’est une autre initiative de mes services dont je n’ai pas davantage pris la décision. En l’occurrence, elle est bien plus grave que le cas précédent, car elle implique un chef de service très haut placé. J’en ai hérité de mon prédécesseur Eugène Poubelle, nettement plus inspiré dans son invention des récipients qui immortalisent désormais son nom. Ce chef de service, organisateur de fausses émeutes, est un homme de droite, ce qui n’est pas pour me déranger, car toutes les opinions politiques peuvent être partagées en République, pour autant qu’elles n’influent pas sur le maintien de l’ordre. Ce monsieur, dont je tairai le nom, car vous le connaissez, est un excellent policier, que son zèle royaliste entraîne à des erreurs de jugement. Il m’a avoué que c’est sur la suggestion de Léon Daudet qu’il a organisé cette sympathique petite démonstration banlieusarde, dépourvue de toute vraisemblance. Je l’ai sermonné, il m’a assuré de son repentir.
    « Je ne puis aller plus loin, car il a des appuis au Parlement. Si je le révoquais, cela ferait vaciller le ministre de l’Intérieur, mon chef direct. Ce personnage est neutralisé et il se tiendra coi. N’en parlons plus.
    « Ce n’est pas tout. Mon

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