La mort du Roi Arthur
long de la journée, mais deux chevaliers s’y distinguèrent particulièrement, Gauvain, fils du roi Loth d’Orcanie et Bohort de Gaunes. Quant au roi Arthur, il ne tarda guère à s’apercevoir de l’absence de Lancelot, et il en fut d’autant plus déçu qu’il était surtout venu à Dinas Emrys dans l’espoir de le rencontrer et de lui parler. Aussi, quand, la nuit venue, tout le monde fut sur le point de se disperser, fit-il proclamer qu’un autre tournoi aurait lieu, dans le délai d’un mois, sur la prairie de Kamaalot. Et tous les chevaliers présents ayant accueilli favorablement la proposition, on se sépara.
Sitôt remis de leurs fatigues, Gauvain et les trois cousins se rendirent à l’endroit où l’écuyer avait prétendu que séjournait Lancelot. Mais personne, évidemment, ne put leur donner la moindre nouvelle d’un chevalier gravement blessé. Gauvain dit alors à Bohort : « M’est avis que nous devrions partir pour Escalot. Je connais en effet, dans cette forteresse, une maison où je serais surpris que l’on ne nous indique point ce que nous cherchons. – Partons donc tout de suite », dit Bohort.
S’étant sans retard mis en route, ils chevauchèrent jusqu’au soir et, après avoir dormi dans un bois, se remirent en selle le lendemain dans la jeunesse du jour afin de profiter de la fraîcheur, de sorte qu’ils ne tardèrent guère à atteindre Escalot. Gauvain mena Bohort à la maison du vavasseur et là, droit dans la chambre où se trouvait toujours suspendu le bouclier de Lancelot. « Le reconnais-tu ? demanda Gauvain. – Certes, répondit Bohort, il n’y a pas de doute, c’est celui de Lancelot. Par quel miracle savais-tu cela ? – C’est une trop longue histoire ! répondit Gauvain en souriant, et nous avons maintenant mieux à faire que d’en parler. »
Faisant venir le vavasseur, il lui dit : « Bel hôte, je te le demande comme une faveur et t’en supplie au nom de la personne que tu aimes le plus au monde, en quel lieu pouvons-nous trouver le chevalier auquel appartient ce bouclier ? Je suis certain que tu le sais et que tu peux nous le révéler. Cependant, si tu refusais d’entendre nos prières, je t’assure que nous pourrions te causer mille misères à la première occasion. » Le vavasseur répondit : « Si je pensais que tu demandes cela pour son bien, je te renseignerais. Autrement, je n’en ferais rien. – Je puis t’assurer, dit Gauvain, sur tout ce que je dois à Dieu, que personne au monde n’aime autant que nous quatre ce chevalier. Tu vois là son frère et ses deux cousins. Quant à moi, je me flatte d’être son meilleur ami. C’est parce que nous ne l’avons pas vu depuis très longtemps et que nous ne savons s’il est malade ou non que nous sommes à sa recherche depuis plus de huit jours. – Dans ce cas, dit le vavasseur, je parlerai. Demeurez ici cette nuit et, demain, lorsque vous partirez, je vous indiquerai le lieu où vous pourrez le trouver. Je vous ferai même, si vous le désirez, accompagner par l’un de mes valets qui vous montrera la route.
Le lendemain matin, Gauvain et les trois cousins se levèrent le cœur plein de joie et, dans la salle, trouvèrent leur hôte qui, déjà tout dispos, leur présenta celui de ses fils qui, malade lors du passage de Lancelot et maintenant tout à fait guéri, leur proposa de les accompagner jusqu’à l’endroit où se trouvait celui qu’ils cherchaient. Ils acceptèrent volontiers et, peu après, montèrent à cheval et partirent tous ensemble, non sans avoir recommandé leur hôte à Dieu.
Ils chevauchèrent avec tant de rapidité qu’ils arrivèrent le soir même chez la dame qui hébergeait Lancelot. La guérison de celui-ci était en si bonne voie qu’il pouvait même s’ébattre à l’extérieur quand le temps le permettait. Aussi se trouvait-il au milieu de la cour, en grande conversation avec l’autre chevalier d’Escalot et le médecin, quand Gauvain et ses compagnons mirent pied à terre. Il les reconnut sur-le-champ, et leur arrivée lui causa une joie si profonde que, courant au-devant de Bohort, il lui souhaita la bienvenue, ainsi qu’à Hector, Lionel et Gauvain. « Ami ! s’écria Gauvain, nous avons eu bien du mal à te retrouver ! Mais puisque te voici, n’en parlons plus. En revanche, nous serions bien aises de savoir ce qu’il en est de ta santé. – Dieu merci, répondit Lancelot, je me porte bien et suis presque entièrement
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