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La mort du Roi Arthur

La mort du Roi Arthur

Titel: La mort du Roi Arthur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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reprit donc : « Parle-moi, Bohort, en toute franchise : Lancelot aurait-il quelque motif de ne pas revenir ? Est-il fâché contre nous ? – Ce n’est pas moi, roi Arthur, qui t’en apprendrai davantage. Si tu tiens à savoir, veuille interroger quelqu’un d’autre. » Et, sur ce, il prit congé du roi et s’en alla avec Lionel et Hector.
    Quand ils furent à bonne distance de Kamaalot, Bohort dit à son frère et à son cousin : « Je ne m’explique pas pourquoi Lancelot n’est pas venu, car il semblait bien décidé à participer au tournoi. Je crains fort qu’il ne soit seulement plongé dans l’affliction à cause de la rancune de la reine. Ah ! maudite soit l’heure oui leur amour a débuté ! Et je redoute qu’il ne nous arrive bien pis encore ! – Certes, intervint Hector, ou je me trompe, ou nous verrons se lever entre notre lignage et celui du roi Arthur la plus grande et la plus néfaste guerre qu’on ait jamais vue. Et tout cela sera par la faute de Lancelot et de Guenièvre. » Ainsi s’entretenaient les trois hommes au sujet de celui qu’ils aimaient le plus au monde, Lancelot du Lac, fils du roi Ban de Bénoïc.
    Trois jours après le tournoi, il advint que Mador de la Porte, frère de Gahéris, se présenta à la cour. Personne n’osa lui souffler mot de son frère, car on le savait fier et courageux et l’on se disait qu’aussitôt qu’il apprendrait la vérité, il ne manquerait pas de crier vengeance. Or, le lendemain, il se rendit à l’église et, apercevant une tombe toute récente, il pensa qu’un des compagnons de la Table Ronde devait reposer là. La curiosité le fit s’approcher, et il lut l’inscription portée sur la dalle. Alors, peu s’en fallut qu’il ne tombât, tant fut soudaine et accablante sa douleur. Avisant un chevalier d’Écosse qui se trouvait là, il lui demanda des explications et celui-ci dut, malgré son embarras, lui raconter en détail ce qui s’était passé. « C’est là un grand malheur, dit Mador, car j’aimais tendrement mon frère, et il était un homme fort valeureux. » Après être longtemps demeuré prostré de chagrin, il apprit que le roi Arthur se trouvait à table, et il se rendit directement dans la grande salle.
    Aussitôt en présence du roi, il s’adressa à lui, haut et fort, afin que tout le monde pût entendre, en ces termes : « Roi Arthur, si tu es juste, ainsi qu’il sied à un roi, tu dois m’écouter. Voilà quinze ans que je suis ton chevalier, et je tiens de toi ma terre : mais cette terre, je te la rends, car je ne saurais plus la tenir de toi si d’abord tu ne me rends justice. » Arthur protesta ne vouloir en aucun cas refuser justice à quiconque dans son royaume. « Eh bien, roi, reprit Mador, je réclame ta dite justice contre la reine, qui a tué mon frère par félonie. Si elle prétend le nier, je suis prêt à soutenir mon accusation contre le meilleur chevalier qu’elle voudra désigner. »
    À ces mots, un murmure s’éleva dans la salle, et chacun convint que la reine était en fâcheuse posture, car elle ne trouverait aucun champion contre Mador puisqu’aussi bien il n’était là personne qui n’eût été témoin du crime. Et le roi lui-même était fort ennuyé, vu l’impossibilité de refuser justice à Mador. Il fit donc appeler la reine afin qu’elle répondît à l’accusation. Elle se présenta tout éplorée, flanquée de Gauvain et de Gahériet, le guerrier le plus prisé de la lignée royale, en dehors de Gauvain lui-même.
    Arthur dit à Guenièvre : « Dame, ce chevalier t’accuse de la mort de son frère que, prétend-il, tu as tué par trahison. » Elle releva la tête et demanda : « Où se trouve ce chevalier ? » Mador de la Porte s’avança et dit : « C’est moi. – Comment ? s’écria Guenièvre, tu oses prétendre que j’ai tué ton frère par trahison et que je l’ai fait en toute connaissance de cause ? – Je l’affirme en effet, répondit Mador. Et, s’il se trouve ici un chevalier assez hardi pour entrer en champ clos contre moi, je suis prêt à le faire mourir ou à le convaincre de lâcheté, aujourd’hui même ou demain, ou tout autre jour que décidera cette cour. »
    Quand la reine comprit qu’il se faisait fort de la convaincre de félonie en affrontant le meilleur chevalier du pays, elle regarda autour d’elle dans l’espoir que quelqu’un se présenterait pour prendre sa défense. Mais personne ne le fit.

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