La mythologie : Ses dieux, ses héros, ses légendes
n’était bien réjouissant et
tous pleuraient en quittant l’île de Circé et quand ils tournèrent leur proue
vers l’Erèbe, où règne Hadès avec la redoutable Perséphone. Il y eut un moment
affreux lorsque, la tranchée creusée, les esprits entourèrent la fosse en foule.
Mais Odysseus garda tout son courage. De son arme effilée, il les tint tous à
distance jusqu’à ce qu’il aperçût enfin le fantôme de Tirésias. Il le laissa
approcher et boire le sombre liquide, puis il l’interrogea. Le devin tenait sa
réponse toute prête ; un danger surtout les menaçait, leur dit-il ; quand
ils débarqueraient sur l’île où paissaient ces animaux, il pourrait leur
arriver de faire du mal aux bœufs du Soleil et le destin de quiconque leur
causait un dommage était à jamais scellé. C’était les plus beaux bœufs du monde
et le Soleil en faisait grand cas. Mais quoi qu’il arrive, Odysseus lui-même
retrouverait son foyer et bien que des difficultés l’y attendissent, il les
maîtriserait en fin de compte.
Lorsque le devin cessa de parler, les morts vinrent en
longue procession pour boire le sang et parler à Odysseus, ils venaient puis
ils passaient, les grands héros des temps anciens et les femmes renommées pour
leur beauté ; des guerriers aussi, tombés devant Troie : Achille avec
Ajax, celui-ci toujours furieux que l’armure d’Achille ait été attribuée par
les capitaines grecs non à lui-même mais à Odysseus. Beaucoup d’autres
suivaient, tous avides de lui parler. Ils étaient vraiment trop nombreux et
Odysseus sentit la terreur l’envahir à la vue de leurs cohortes serrées. Il
retourna en hâte vers le navire et pressa l’équipage de mettre à la voile.
Circé l’avait averti qu’ils auraient à longer l’île des
Sirènes, dont les voix douces et harmonieuses faisaient tout oublier à ceux qui
les entendaient et les entraînaient finalement à leur mort. Les squelettes
blanchis de ceux qu’elles avaient attirés à leur perte s’entassaient autour d’elles
sur les rivages où jour et nuit elles chantaient. Odysseus mit ses hommes en
garde contre elles ; il leur dit que le seul moyen de leur échapper était
de se boucher les oreilles avec de la cire. Lui-même, cependant, était bien
décidé à les entendre et il pria l’équipage de le lier au mât, si solidement qu’il
ne pourrait s’en détacher fut-ce au prix des plus violents efforts. Ainsi fut
fait et ils approchèrent de l’île — tous, sauf Odysseus, sourds au chant
enchanteur. Il l’entendit, et les mots étaient plus séduisants encore que la
mélodie, tout au moins pour un Grec. A tout homme qui viendrait à elles, elles
donneraient savoir, sagesse et vivacité d’esprit, disaient-elles. « Toutes
choses qui existeront un jour sur la terre, déjà nous les connaissons », scandait
leur chant, et le cœur d’Odysseus se serrait de désir.
Mais les cordes le retenaient et le danger fut conjuré sans
dommage. Un nouveau péril les attendait – les gouffres de Charybde et de Scylla.
Les Argonautes en avaient traversé le détroit ; Enée – qui à cette époque
précisément faisait voile vers l’Italie – l’évita grâce aux conseils d’un devin ;
pour Odysseus, protégé par Athéna, la réussite était certaine, mais l’épreuve
fut rude et six membres de l’équipage y perdirent la vie. De toute façon, ils n’auraient
plus vécu longtemps, car à leur escale suivante, l’île du Soleil, les hommes se
conduisirent avec une incroyable folie. Affamés, ils égorgèrent les bœufs
sacrés. Odysseus était absent ; seul, il s’était rendu pour prier dans l’intérieur
de l’île. À son retour, le désespoir le prit, mais il ne restait plus rien à
faire : les bœufs avaient été rôtis et mangés. La vengeance du Soleil fut
prompte. À peine avaient-ils quitté l’île que la foudre frappa leur navire et
le disloqua. À l’exception d’Odysseus, tous furent noyés. Il se hissa sur la
quille et la chevauchant, il put ainsi s’éloigner de la tempête. Pendant des
jours il dériva, pour échouer enfin dans l’île de Calypso, où il fut retenu de
longues années. Un jour vint cependant où il lui fut permis de prendre le
chemin du retour, mais une tempête lui fit faire naufrage et ce n’est qu’après
de nombreux et grands périls qu’il réussit, épuisé et dépouillé de tout, à
prendre pied sur le rivage des Phéaciens.
Le long récit était achevé, mais
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