La naissance du roi Arthur
qui n’a donc jamais eu de père ! »
Quand Merlin entendit cela, il s’en vint vers les messagers.
Il se mit à rire et leur dit : « Seigneurs, je suis celui que vous
cherchez, celui que vous avez juré de tuer et dont vous devez rapporter le sang
au roi Vortigern. » Les messagers demeurèrent stupéfaits. « Qui t’a
dit cela ? » demandèrent-ils. Merlin les regarda avec insolence, une
petite flamme dans les yeux : « Je le sais, dit-il, depuis que vous
avez juré au roi Vortigern de me tuer, de recueillir mon sang et de le lui
apporter. » Les messagers ne savaient plus quoi répondre à ce garçon qui
leur dévoilait ainsi l’objet de leur mission, que personne, en dehors des douze
et du roi Vortigern, ne pouvait connaître. Pourtant, l’un des quatre se hasarda
à demander : « Nous suivras-tu si nous te le demandons ? »
Merlin répondit : « Seigneurs, j’aurais bien peur d’être tué par
vous. Mais si vous me donnez l’assurance que vous ne me ferez aucun mal, je
vous suivrai et je dirai au roi pourquoi l’on retrouve sa tour écroulée chaque
matin alors qu’elle était ferme et bien construite la veille au soir. »
Interloqués, les messagers se dirent entre eux : « Vraiment, cet enfant
tient des propos extraordinaires. Il faut qu’il appartienne au peuple des fées
pour nous dire très exactement ce que nous attendons de lui. Nous commettrions
un grand crime en le tuant ! Mieux vaut nous parjurer vis-à-vis du roi
Vortigern et l’amener vivant auprès de lui. » Et ils ajoutèrent :
« Nous te promettons solennellement de ne jamais tenter de te causer du
mal, ni de te mettre à mort si tu acceptes de venir avec nous auprès du roi
Vortigern. »
« Très bien, répondit Merlin. Je le ferai donc, mais à
une condition, c’est que vous veniez avec moi auprès de ma mère pour lui
demander la permission de partir avec vous. » Les messagers lui
dirent : « Nous te suivrons où tu le voudras. » Et Merlin emmena
les messagers dans la maison de sa mère. Il présenta à celle-ci les messagers
du roi Vortigern et dit : « Mère, voici des hommes qui ont été
chargés, par le roi Vortigern, de me tuer, de prendre mon sang et de l’emporter
avec eux. Cela, je le savais depuis longtemps. Mais je sais aussi qu’ils n’en
feront rien, car ce sont de braves gens au service d’un mauvais roi. Ce roi a
fait construire une tour qui s’écroule sans cesse chaque nuit. Il a réuni des
clercs pour voir s’ils pourraient résoudre ce problème, mais ils ont été
incapables d’en connaître la cause et, à plus forte raison, d’en préconiser le
remède. Mais, en jetant leurs sorts et en interrogeant les esprits de la terre,
ils ont appris en revanche mon existence et ont compris que je pouvais leur
nuire. Ils se sont donc concertés et ont décidé de me faire mourir. Ils ont
affirmé au roi que sa tour ne tiendrait que si l’on mêlait aux fondations le
sang d’un enfant dont le père n’était pas de la race des hommes. Cet enfant,
c’est moi. Vortigern a été très surpris de ce qu’ils disaient, mais il les a crus
et il a envoyé douze messagers à travers l’île de Bretagne pour me retrouver.
Mais, selon le conseil des clercs, et pour que je ne pusse point leur nuire, il
leur a demandé de me tuer et de ne rapporter que mon sang. Ainsi, les clercs du
roi Vortigern se croient protégés alors que ce sont des incapables et des faux
prophètes. Les messagers sont donc partis deux par deux. Ces quatre-là se sont
rencontrés et m’ont découvert. Comme je savais bien qu’ils me recherchaient,
j’ai fait en sorte d’attirer leur attention. Les voici donc devant toi, mère.
Demande-leur s’ils ont l’intention de me tuer et d’obéir strictement aux ordres
du roi Vortigern. »
Les messagers répondirent d’une seule voix :
« Dieu nous garde de faire le moindre mal à cet enfant. Nous préférons
nous parjurer et subir les pires châtiments de la part du roi plutôt que de
toucher à un seul de ses cheveux. Tout ce que nous demandons, c’est qu’il
vienne avec nous et qu’il parle au roi Vortigern. » La mère de Merlin leur
demanda alors si tout ce qu’avait dit l’enfant était exact. « Oui,
répondirent-ils, mais nous te jurons que nous ne ferons pas le moindre mal à
ton fils. » La mère de Merlin se tourna vers son fils :
« Disent-ils la vérité ? » demanda-t-elle. « Oui, ma mère,
je sais qu’ils sont sincères et
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