La naissance du roi Arthur
dit :
« Seigneurs, je vois que je ne peux rien vous cacher : tout ce que
vous dites est vrai, mais, au nom de Dieu, n’en dites mot à mon mari, car il me
tuerait s’il l’apprenait. » Les messagers retournèrent vers Merlin et se
dirent entre eux que cet enfant était vraiment extraordinaire : ils
n’avaient jamais connu auparavant un tel devin, et leur admiration grandissait
de plus en plus envers celui qu’on leur avait ordonné de tuer pour en rapporter
le sang.
Ils reprirent leur chemin. Mais avant d’arriver au lieu où
se tenait le roi Vortigern, les messagers lui dirent : « Merlin,
dis-nous, s’il te plaît, ce que nous devons faire. Nous pouvons évidemment
annoncer à notre roi que nous t’avons trouvé, mais nous avons peur qu’il ne
soit irrité contre nous parce que nous ne t’avons pas tué. » Merlin voyait
bien qu’ils étaient dans un grand embarras. Il leur répondit : « Faites
tout ce que je vous dirai et rien ne vous sera reproché, je vous l’assure par
Dieu, notre maître à tous. Allez voir le roi Vortigern et dites-lui que vous
m’avez trouvé. Mais n’oubliez pas de lui rapporter les preuves que je vous ai
données de mes talents de devin. Et vous ajouterez que je me fais fort de lui
expliquer comment et pourquoi sa tour ne peut tenir, à la seule condition que
les clercs, qui l’ont bien mal conseillé, subissent le traitement qu’ils
voulaient me réserver. Allez, parlez sans crainte devant le roi, et agissez
ensuite exactement comme il vous l’ordonnera. »
Les messagers se présentèrent donc devant Vortigern et
celui-ci fut tout heureux de les revoir. Il leur demanda si la mission qu’il
leur avait confiée avait abouti à un résultat. « Nous avons fait de notre
mieux », répondirent-ils. Et, le prenant à part, ils lui expliquèrent les
circonstances dans lesquelles ils avaient découvert l’enfant né d’un père
n’appartenant pas à la race des hommes, et ils prirent bien soin d’ajouter
qu’ils ne seraient point parvenus à le ramener si celui-ci n’était pas venu à
eux spontanément. « Apprends, ô roi, dirent-ils encore, que cet enfant se
nomme Merlin, et que c’est le meilleur devin, le plus sage et le plus efficace
que nous puissions connaître. Il nous en a donné de nombreuses preuves pendant
notre voyage de retour et nous a dit lui-même quel était l’objet de notre
mission sans que nous en ayons parlé à quiconque. Il nous a dit qu’il serait
très maladroit de notre part de le tuer et de rapporter seulement son sang pour
le mêler au mortier des fondations de ta tour. Il a ajouté que les clercs qui
t’ont donné ce conseil ne savent pas comment ni pourquoi cette tour s’écroule,
et que ce sont des imposteurs qui ont peur de lui. Il a affirmé que lui seul
peut te dire la cause de l’effondrement de cette tour, et qu’il peut te le
prouver. Il nous a dit encore bien d’autres choses, toutes plus admirables les
unes que les autres, et nous a envoyés vers toi pour savoir si tu voudrais bien
lui parler. » Mais les messagers, qui craignaient beaucoup le roi, se
hâtèrent de préciser : « Au reste, si tu nous l’ordonnes, nous
pouvons encore le tuer, car deux de nos compagnons sont restés pour le
garder. »
Vortigern réfléchit quelques instants, puis il parla
ainsi : « Puisque cet enfant a dit les choses que vous prétendez, il
faut donc que je l’écoute. Il sera toujours temps ensuite de prendre une
décision. Et si vous vous portez garants sur votre vie que ce Merlin nous
expliquera comment et pourquoi la tour s’écroule, je consens volontiers à ce
qu’on ne le tue pas maintenant et à ce qu’on me l’amène pour qu’il me parle en
toute franchise. » Les messagers, satisfaits de l’attitude de Vortigern,
s’en retournèrent près de Merlin, suivis par le roi lui-même. Lorsqu’il les vit
arriver, Merlin se mit à rire et dit : « Seigneurs, vous vous êtes
constitués mes garants sur votre propre vie ! »
« C’est exact, répondirent les messagers. Nous avons dû
choisir et nous avons préféré risquer nos vies plutôt que de te tuer. »
Merlin les rassura en leur disant qu’il saurait bien les protéger. Puis il
salua le roi et lui demanda de venir à l’écart pour parler en secret. Alors il
lui dit : « Seigneur roi, tu m’as envoyé chercher à cause de cette
tour qui ne peut tenir, et tu as ordonné à tes messagers de me tuer et de
ramener mon sang. Mais cela, tu
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