La naissance du roi Arthur
l’as fait à l’instigation de tes clercs que tu
avais consultés à ce sujet. Ils ont prétendu que la tour ne pouvait pas tenir
si l’on ne mélangeait pas le sang d’un enfant sans père avec le mortier. Ils
t’ont menti, parce qu’ils savaient que je saurais bien résoudre ton problème et
que je représentais un danger pour eux. Tes clercs, roi Vortigern, ne sont bons
qu’à passer leur temps en vaines parlotes et leur science ne vaut pas plus
qu’un petit caillou dans un torrent. Or, si tu me jures que tu réserveras aux
clercs le traitement qu’ils voulaient me faire subir, je te montrerai comment
et pourquoi ta tour ne tient pas et je t’indiquerai, si tu le désires, le moyen
d’y remédier. »
« Si tu me montres ce à quoi tu t’engages, je ferai des
clercs ce que tu voudras », répondit Vortigern. Et Merlin reprit :
« Si je mens aussi peu que ce soit, retire-moi ta confiance à tout jamais.
Fais venir les clercs auprès de la tour, et c’est devant eux que je t’expliquerai
ce mystère. » Le roi conduisit Merlin près de la tour. Quand il vit les
clercs, Merlin se mit à rire et, par l’intermédiaire d’un des messagers, leur
fit demander pourquoi, à leur avis, la tour ne pouvait pas tenir. Ils
répondirent : « Nous n’en savons rien, mais nous avons indiqué au roi
dans quelles conditions elle pourrait tenir. » Le roi intervint
alors : « Ce sont des conditions bien étonnantes, en vérité, puisque
vous m’avez demandé de trouver un enfant dont le père n’est pas de la race des
hommes. Or, je ne sais pas comment on pourrait trouver un tel enfant. »
Merlin s’avança vers les clercs et leur dit :
« Seigneurs, c’est prendre le roi pour un fou que de lui faire accomplir
une telle démarche alors que vous avez tout simplement peur de mourir à cause
de cet enfant ! C’est ainsi que vous avez cru possible de vous débarrasser
de cet être qui doit causer votre mort ! » En entendant l’enfant
s’exprimer ainsi, les clercs furent remplis d’épouvante et comprirent qu’ils ne
pourraient plus échapper à leur sort. Merlin dit alors au roi : « Je
vais maintenant te révéler le mystère de cette tour. Sais-tu qu’il y a sous
cette tour une grande nappe d’eau et, par-dessous, deux dragons aveugles, l’un
blanc, l’autre rouge, sur lesquels pèsent deux grosses pierres ? Ils sont
tous les deux très grands et très forts et chacun d’eux connaît bien
l’existence de l’autre. Or, quand on construit la tour, le poids de l’eau et de
la terre devient de plus en plus intolérable : les deux dragons bougent,
et c’est pourquoi ta tour ne peut que s’écrouler. Fais donc examiner le sol, en
dessous de cet endroit, et si je ne t’ai pas dit exactement la vérité, tu
pourras me faire tuer. Mais si, en revanche, j’ai dit la vérité, accorde la
liberté aux messagers qui sont mes garants et ordonne qu’on mette en accusation
les clercs qui ne savaient rien de tout cela. »
Vortigern se hâta de faire venir des ouvriers et leur
ordonna de commencer immédiatement leurs travaux de fouille et de déblaiement.
L’entreprise parut tout à fait insensée aux gens du royaume, mais personne
n’osa dire quoi que ce fût contre la volonté du roi. Merlin, de son côté,
ordonna qu’on mît les clercs sous bonne garde. Les ouvriers creusèrent donc
activement et finirent par atteindre la nappe d’eau. Ils appelèrent Vortigern
pour lui montrer ce qu’ils venaient de découvrir. Le roi en fut très joyeux,
mais il dit à Merlin : « Voici qui est bien, mais comment peut-on
faire pour enlever cette eau et creuser par en dessous ? » Merlin
répondit : « C’est facile : il suffit de drainer l’eau à travers
les champs dans des canaux très profonds. » Les travaux continuèrent donc.
L’eau fut évacuée par des canaux et l’on creusa sous l’emplacement du lac. Et
pendant que ce travail s’accomplissait, Merlin demanda à Vortigern de faire venir
les gens importants du royaume pour qu’ils pussent être témoins de ce qui se
passerait : « Car, dit-il, dès que l’on aura découvert les dragons,
chacun prendra conscience de la présence de l’autre. Ils se réveilleront alors
de leur torpeur, ils se combattront immédiatement et s’entre-tueront. Et il
faut que chacun puisse voir cette bataille, car elle est lourde de
signification. »
Le peuple, pendant ce temps-là, s’était réuni, et les nobles
du royaume étaient
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