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La nef des damnes

La nef des damnes

Titel: La nef des damnes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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mouettes qui attira son attention. Il s’approcha du bord et remarqua une barque couchée sur le flanc et ce qui semblait être un marsouin ou un dauphin échoué sur le sable. Les oiseaux s’amassaient dessus en criaillant, se disputant les restes.
    Pique la Lune hésita mais la barque avait l’air en bon état et s’il pouvait la ramener au camp, ou la revendre aux moines... Il se décida à sauter de roche en roche jusqu’à la crique. De longues algues recouvraient l’animal mort d’où montait une puissante odeur de charogne. Pique la Lune allait s’en détourner pour examiner la barque quand quelque chose de clair retint son regard. Il posa ses poissons et, avec de grands gestes des bras, se dirigea d’un pas résolu vers les mouettes. Elles s’envolèrent en protestant, découvrant un habit de drap écru, une robe cistercienne.
    Pique la Lune écarquilla les yeux, puis se plia en deux pour vomir. Le visage du cadavre était méconnaissable tant les poissons et les oiseaux s’étaient acharnés dessus, les membres étaient déchiquetés et le tissu déchiré laissait voir les plaies béantes que fouaillaient les becs des oiseaux.
    Il se redressa, essuyant sa bouche d’un revers de main, et tenta de combattre la nausée. Les mouettes tournoyaient rageusement au-dessus de lui, frôlant ses cheveux, mais il ne les entendait plus. Il resta un moment indécis, ne sachant que faire. Il ne pouvait porter le corps jusqu’en haut de la falaise ni le laisser à la merci des bêtes.
    De part et d’autre du mort, les charognards se posaient déjà, pressés de reprendre leur festin. Il fit des moulinets de ses bras pour les effrayer et, saisissant le tissu, commença à tirer. Des relents de putréfaction montaient à ses narines. Il grimaça et tira plus fort encore. L’homme était lourd, et il lui fallut un long moment pour arriver à l’amener près de la barque. Une fois là, dans un dernier effort, il saisit des deux mains le rebord du canot et le bascula au-dessus du cadavre.
    Ses yeux s’arrêtèrent sur la coque et il fronça les sourcils. Le bois était sain, mais le fond était éventré et les morceaux éparpillés sur le sable comme si quelqu’un s’était acharné dessus avec une hache. Le canot n’avait pas été endommagé par les brisants, il avait été volontairement détruit.
    Une mouette se posa dessus, puis une autre, l’arrachant à ses observations. Il se secoua, ramassa ses poissons au passage et entreprit de remonter le long de la falaise. Quelques instants plus tard, essoufflé et en sueur, il cognait à la porte du monastère.

 
    34
    Après une toilette à l’eau glacée dans la cour du monastère, les moines s’étaient rendus à la réunion du chapitre présidée par l’abbé. Chacun s’était agenouillé devant les inconfortables bancs de bois et l’abbé, debout devant sa chaise cathèdre, avait commencé la lecture des textes saints.
    Il était trop tôt pour que la lumière du jour pénètre par les étroites meurtrières et la voix de Censius était si basse que l’attention de Dreu se détourna rapidement des Saintes Écritures pour se consacrer à l’étude des frères qu’éclairait la lueur des torches.
    Grâce aux échanges entre Savigny et le Castelas, il connaissait les prénoms de tous les moines et s’efforça de deviner qui était qui. Il devait y avoir là le sacristain Guy, le sous-sacristain Domenico et aussi le chancelier Osmond. Il avait correspondu avec plusieurs d’entre eux, le cellérier Bernard, frère Joce l’hôtelier et deux ou trois moines. Mais depuis qu’il était arrivé, il s’étonnait de n’en voir aucun venir spontanément à lui. Eux, si chaleureux dans leurs écrits, restaient indifférents et ne semblaient plus s’intéresser au projet de scriptorium qui les avait tant enthousiasmés.
    Deux places restaient vides, et l’une d’elles devait être celle de frère Paul. Le jeune moine repensa une nouvelle fois à l’appel de détresse de ce dernier. Une phrase surtout le troublait maintenant qu’il s’en souvenait : Je dois fuir et vous aussi.
    Qu’un moine veuille fuir son monastère n’était déjà pas chose courante, mais pourquoi lui dire à lui, qui venait à peine d’arriver, de se sauver aussi ? Que craignait-il ? Quelle sorte de danger ?
    — Merci, mon père, fit un moine qui s’était levé à son tour.
    Dreu sursauta. Il n’avait pas entendu l’abbé passer la parole à l’officier aux

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