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La nef des damnes

La nef des damnes

Titel: La nef des damnes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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retomba inerte. Dreu ôta la couverture, vérifia qu’il n’était qu’assommé et se redressa en pestant.
    — Vous êtes plus fort que je ne croyais, messire abbé, s’exclama-t-il à voix haute. J’ai bien cru que vous alliez finir par me rompre les os.
    Le copiste reprit son souffle et examina la situation. Qu’allait-il faire de Censius ? Il n’avait pas de corde et ne pouvait prendre le risque d’aller en chercher une. Si l’abbé se réveillait et sortait dans la cour ? Si une flèche le tuait ? Il regarda autour de lui et ses yeux s’arrêtèrent sur la porte du logement séparé. Dans sa crise de démence, Censius avait arraché le rideau qui la masquait.
    La solution était là. Il n’y avait plus qu’à mettre l’abbé là-dedans et à attendre que les officiers se réunissent pour décider de son sort.
    Il souleva la barre qui fermait le cachot et ouvrit. Une abominable odeur d’urine et d’excréments lui sauta aux narines. Il resta un moment interdit, puis murmura :
    — Frère Benoît !
    Il avança d’un pas puis recula tant il faisait noir dans cette pièce creusée à même la roche.
    — Frère Benoît ! appela-t-il plus fort cette fois.
    Aucune réponse. Rien que cette atroce odeur qui lui donnait envie de vomir. Dreu battit en retraite, allant chercher un des flambeaux qui brûlaient au dortoir.
    Quelques secondes plus tard, il entrait prudemment, tenant haut sa torche. Des traînées de salpêtre marquaient les parois, des chaînes pendaient du plafond. Il trébucha sur un fouet fait de petites chaînes, le genre d’instrument servant aux mortifications des moines pratiquant la flagellation.
    Dreu fit la grimace, il avait peine à imaginer qu’on prenne plaisir à mortifier sa chair comme le faisaient certains religieux et puis, cela n’allait-il pas à rencontre du discretio , cette notion de juste équilibre entre travail, vie communautaire et prière, que les officiers essayaient de leur enseigner ?
    Il soupira et se remit en marche, conscient de la peur qui l’envahissait, accélérant les battements de son cœur, lui coupant le souffle. Le réduit était plus profond qu’il n’aurait cru. Il avança encore, éclairant de droite à gauche. Une masse sombre était affalée sur le sol.
    Il avala sa salive et s’approcha.
    — Frère Benoît, murmura-t-il en levant sa torche.
    La lumière éclaira en plein un visage blafard aux yeux clos dans lequel il eut du mal à reconnaître le malheureux Benoît. Sa robe était déchirée, il avait été fouetté et laissé pour mort, baignant dans ses excréments.
    — Mon Dieu, que vous a-t-on fait ?
    Le copiste planta sa torche dans le sol et, saisissant avec douceur la tête de Benoît, essaya de le ranimer.
    — Revenez à vous ! s’écria-t-il. Revenez !
    Un frémissement agita le prisonnier, ses paupières se soulevèrent et une plainte sortit de ses lèvres sèches :
    — Pitié, ne... ne... me frappez plus !
    — C’est moi, le frère copiste, Dreu. Benoît, vous m’entendez ?
    Les yeux qui roulaient dans les orbites se fixèrent enfin sur le visage ami.
    — Je suis frère Dreu. Je vais vous sortir d’ici.
    — Soif ! supplia l’autre.
    Dreu sortit son coutel et essaya fébrilement de couper les liens qui maintenaient le prisonnier, puis poussa un soupir de soulagement quand enfin une des cordes céda. Quelques instants plus tard, portant le novice sur ses épaules, Dreu le déposa sur l’une des paillasses.
    — Soif ! répéta Benoît.
    Mais Dreu regardait autour de lui avec affolement, il avait oublié l’abbé.
    — Bon Dieu ! s’écria-t-il avec force. Oh, pardon, mon Dieu, je ne voulais pas vous manquer de respect !
    Censius avait disparu. Il ne restait plus que la couverture en tas sur le sol. Dreu courut au dortoir, grimpa l’escalier menant à la chapelle puis redescendit, atterré. Il n’y avait plus de doute, l’abbé s’était enfui.
    Il resta un moment figé à imaginer quels châtiments allaient lui réserver les officiers et réalisa soudain que le fracas de la bataille s’était tu. Il entrebâilla la porte et entendit des cris de joie.

 
    47
    — Nous les avons repoussés, messire, déclara Sven.
    — Oui. Mais jusqu’à quand ? La nuit va venir et il va falloir redoubler de vigilance. Je veux que vous preniez un peu de repos maintenant. Mangez et installez une paillasse à la cuisine, je viendrai vous chercher.
    Sven s’inclina et fit demi-tour. Tancrède

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