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La nièce de Hitler

La nièce de Hitler

Titel: La nièce de Hitler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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chambre, un verre de
riesling à la main.
    — Dans le parti, il y en a qui n’aiment
pas l’attachement que j’ai pour toi. Qui aimeraient que tu repartes en Autriche,
lui dit-il, debout près de son lit.
    — Et ?
    Une main sur les yeux, il confessa :
    — Je ressens tellement d’amour pour toi, princesse !
Je crois que je pourrais t’épouser.
    — Pourquoi est-ce si difficile à dire ?
    Hitler se tourna vers la fenêtre recouverte de
givre et vit son reflet dans une haute vitre obscurcie par la nuit.
    — Je dois rester célibataire, répondit-il
d’un ton lugubre, afin de me consacrer entièrement à l’Allemagne. Sans
défaillance. Et pourtant je sens que je dois veiller sur toi, et exercer une
influence paternelle sur ton cercle d’amis jusqu’à ce que tu trouves l’homme
idéal.
    — Où que j’aille, vous êtes là.
    — Je choisis de prendre cela comme un
compliment, sourit-il.
    Elle ne savait pas trop si c’en était un ou
pas. Elle se cala contre les oreillers et entoura ses genoux de ses bras.
    — Ce que les autres voient comme de la
contrainte de ma part n’est que de la prudence, reprit-il. J’ai tellement peur
que tu ne tombes dans les mains d’une personne peu recommandable.
    — Emil, par exemple.
    — Un ancien combattant, mais une
mésalliance, dit-il en terminant son vin. Tu as hâte ?
    Elle hocha la tête.
    — Oh, comme j’aimerais…, dit-il.
    Sa main se posa sur les cheveux de Geli, descendit
le long de son visage, et retomba lourdement à plat sur son sein droit. Elle
inspira comme si elle avait sauté dans une eau glacée, et il enleva sa main.
    — Dors bien, dit-il, et il sortit.
    Comme elle
retournait seule à Vienne en avril pour faire renouveler son visa, sa mère et
son oncle l’emmenèrent à la gare de Berchtesgaden. Geli devait faire les
démarches administratives l’après-midi, dormir chez des amies de lycée, et
revenir le lendemain, mais Hitler semblait penser qu’elle allait au Congo, et
dans son affliction ne savait pas s’il était en colère, inquiet ou chagriné. Ayant
perdu sa nationalité autrichienne et n’étant pas encore citoyen allemand, il
était apatride et ne pouvait l’accompagner, pourtant il ne voulait que cela, et
alors que Geli se préparait à monter dans le wagon de première classe, il
mourait d’envie d’imiter Angela et de la prendre dans ses bras. Mais il se
retint et à la place se donna un coup de cravache sonore sur la main, si fort
qu’il dut la secouer pour soulager la douleur, tandis qu’il s’éloignait d’un
pas raide.
    — Tu n’aimerais pas être la fiancée d’Adolf ?
demanda Angela.
    Geli rougit.
    — Je n’y ai jamais pensé, mentit-elle.
    — Lui, si, ça se voit. Il est transi d’amour.
Mais les hommes ne s’en rendent pas compte aussi vite que nous.
    Souvent Geli pensait
qu’elle aussi était amoureuse de lui. La femme d’Adolf Vogl venait d’avoir un
petit garçon, et Geli fut la première à lui rendre visite à l’hôpital. Selon la
coutume, elle avait apporté un Schwatzei, un œuf dont elle effleura la
bouche du nouveau-né pour qu’il apprenne vite à parler.
    — Mon oncle prétend que tant qu’une femme
n’a pas eu d’enfant, elle est hystérique ou malade. Vous êtes saine d’esprit à
présent, Frau Vogl ?
    — Cela fait des heures que je n’ai pas
hurlé, sourit celle-ci.
    — Je peux le prendre ?
    — Bien sûr.
    Geli câlina doucement le bébé et le berça, la
joue contre sa tête.
    — Moi aussi, je voudrais un bébé !
    — De qui ?
    — Oh, vous savez bien, fit Geli en
rougissant.
    — Ce ne serait pas de Herr Hitler, par
hasard ? demanda Frau Vogl.
    — Il dirait que j’ai déjà trop parlé.
    Ce qui était vrai. Des nombreux rôles qu’Hitler
jouait auprès de sa nièce – père, confident, éducateur, financier, soupirant –,
celui qu’elle détestait le plus était celui de tuteur. Un après-midi, en
passant dans le couloir, elle découvrit que son oncle, de retour d’Essen, interrogeait
les Winter dans la cuisine sur ce qu’elle avait fait pendant son absence. Elle
ouvrit violemment la porte et le trouva assis devant la table, portant encore
son trench-coat couleur chocolat. Hitler continua sans se démonter :
    — Et jeudi après-midi ?
    — Cours de chant, répondit Anni Winter.
    — Elle est partie quand ?
    Anni essaya de se souvenir.
    — Ce n’était pas à une heure ? dit
Georg.
    — Je suis là, dit Geli.

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