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La nièce de Hitler

La nièce de Hitler

Titel: La nièce de Hitler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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de
répondre.
    — Je peux ?
    — Je vais faire mieux que te donner la
permission. Je vais t’accompagner.
    Schirach se réjouit,
bien sûr, et extorqua des fonds du parti pour une sculpture de glace
représentant une gigantesque croix gammée, un généreux buffet suédois de
viandes et de poissons froids, une chanteuse et un orchestre de six musiciens
du night-club Resi de Berlin. Apprenant que le Führer serait présent, les
étudiants affluèrent, dépassant par centaines les nombres que Schirach avait
prévus, quelques-uns venant même d’Heidelberg et d’Innsbruck, et une foule
fascinée et effervescente se rassembla autour d’Hitler tandis qu’il serrait des
mains et signait des autographes, et que Schirach parlait de lui d’un ton
émouvant comme du fils le plus éminent de l’Allemagne.
    — Mon église n’est plus l’autel du
christianisme, hurlait Schirach, mais les marches du Feldherrnhalle où le sang
des anciens combattants fut versé pour nous. Leur esprit vit en Adolf Hitler, notre
Führer et notre héros, en qui reposent les racines de notre monde. Droit, ferme
et modeste, il demeure un homme comme vous et moi, et nous l’aimons d’autant
plus, car nous savons que c’est un génie dont l’âme touche les étoiles !
    Si on regardait la nièce d’Hitler à ses côtés,
c’était soit avec jalousie, soit avec étonnement. Qui est cette fille ? semblait-on dire. Elle avait beau vivre en Allemagne depuis 1927, elle n’était
rien de plus qu’un accessoire, une bagatelle, un jouet, un sujet de bavardage, une
odeur de scandale, une nièce. Elle portait une robe du soir de Lanvin en faille
noire et strass et se sentait riche, vieille, et triste, assise aux côtés d’Hitler
et de Schirach en smoking, regardant tous les trois d’un air morne tous ces
jeunes gens en train de s’amuser et de danser. Soudain Rudolf Hess apparut à l’entrée,
austère comme un Écossais, et son oncle se leva aussitôt.
    — J’ai une réunion. Dix minutes, pas plus.
    — À qui ai-je le droit de parler ?
    Lançant un coup d’œil à un Schirach interdit, Hitler
fit mine d’être surpris par cette question.
    — Mais à qui tu veux, bien sûr !
    Elle ne dit rien. Elle ne le regarda pas
sortir. Elle vit Henny sur la piste de danse, faisant non de la tête à un
garçon qui lui avait demandé de danser sur un succès inepte de 1928 : My
Parrot Won’t Eat No Hard-boiled Eggs.
    Henny aperçut Geli en compagnie du beau
fondateur de la Ligue et se dirigea vers eux, rougissant un peu en tâchant de
ne pas regarder Schirach en face, lequel se leva et dit gaiement :
    — Venez vous joindre à nous, Fräulein
Hoffmann.
    — Je peux ? demanda-t-elle à Geli.
    — Naturellement.
    Schirach lui avança une chaise.
    — Tu es venue toute seule ? lui
demanda Geli.
    Henny secoua la tête en regardant derrière
Geli, les yeux écarquillés.
    Geli se retourna. Le papa bossu d’Henny
avançait joyeusement, en smoking, bras dessus bras dessous avec Eva Braun. Celle-ci
portait une robe longue et froncée en taffetas, et un manteau de lainage noir
avec un col et des poignets en putois. Elle avait caché ses cheveux blonds sous
un turban assorti de chez Agnès. Des semaines auparavant, Geli avait vu cet
ensemble dans la vitrine d’un magasin de Maximilianstraße. Était-ce un cadeau d’Hitler ?
    Schirach se leva.
    — Je n’ai pas eu le plaisir, Fräulein…
    Elle força un sourire sur son visage de chaton
et lui serra la main.
    — Eva Braun.
    — Je dis à tout le monde que c’est ma
nièce, plaisanta Hoffmann, qui tenait la jeune fille par la taille.
    Et dans un silence aussi sonore qu’une porte
qui claque, il enfonça le clou.
    — Ce que fait le Führer, je le fais aussi.
    — C’est sa vendeuse, dit Geli d’un ton
glacial.
    — Employée, précisa Eva. Et modèle.
    — Je vois, dit Schirach.
    — Tu as bu, papa ?
    — Oh, il y en a qui trouvent ça drôle.
    Eva et Geli échangèrent des regards noirs.
    — Je viens de voir votre oncle, dit Eva. Ça
m’a fait de la peine qu’il ait l’air si triste.
    — Triste de vous voir ?
    Eva n’était pas très futée.
    — Je ne crois pas, dit-elle.
    — Alors il était triste à cause de tous
les singes qu’on a dû tuer pour ce turban et ce manteau ?
    Eva baissa les yeux sur la fourrure de ses
poignets.
    — Toi aussi, tu as bu ? la gronda
Henny.
    Imitant Eva, Geli répondit mollement :
    — Je ne crois pas.
    — Changeons de

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