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La nièce de Hitler

La nièce de Hitler

Titel: La nièce de Hitler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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châtains, même
si ses mains, elle le savait, allaient être luisantes de gras.
    — Qu’est-ce qui serait suffisant, oncle
Alf ?
    — De l’affection, dit-il d’un ton faible
et pitoyable, comme un petit garçon qui réclame un pfennig.
    Puis il baissa la tête pour embrasser vigoureusement
la flanelle rose au-dessus de son pubis, la chatouillant avec sa moustache.
    Elle sentit un frisson courir le long de son
dos, mais elle lui prit la tête dans ses mains et la souleva doucement.
    — Il ne faut pas rester à genoux ici
comme ça. Pensez aux dames.
    Hitler lança un regard inquiet dans le couloir
en direction des quartiers de Maria Reichert et de sa mère. On entendait
vaguement la retransmission d’un concert de Noël sur la TSF de Maria ; sinon,
l’obscurité régnait. S’accroupissant sur les talons, il remit de l’ordre dans
sa mèche, puis attrapa l’encadrement de la porte et le bras que Geli lui
offrait pour se remettre sur pied. Alors il la fixa et elle se sentit clouée
sur place devant ses extraordinaires iris de mercure argenté, son visage vorace
et sévère et tout-puissant. Il la dominait sans un mot. Certains membres du
parti parlaient de ses yeux d’hypnotiseur, et à présent elle comprenait ce qu’ils
voulaient dire. En quelques secondes elle se sentit si faible qu’elle eut peur
de s’effondrer sur le sol.
    — Nous nous sommes privés tous les deux, dit-il.
Nous n’avons pas laissé notre amour s’exprimer.
    Est-ce qu’elle l’aimait ? Elle savait qu’elle
était désorientée, triste et pleine d’aspirations. C’était cela l’amour ? Elle
voulait se replier sur elle-même et être seule avec ses émotions un moment, mais
il lui prit une main qu’il tint fermement derrière son dos en se dirigeant d’un
pas décidé vers sa chambre aux murs tendus de rouge.
    Elle resta là dans le froid pendant qu’il
fermait la porte et dégrafait son nœud papillon d’un geste brusque. Elle se
sentait partir à la dérive dans la géographie des rêves, quelque part entre la
frayeur et la fascination, une contrée où elle semblait privée de volonté, où
elle semblait se regarder elle-même tout en le regardant.
    Il s’assit dans son fauteuil rouge pour
enlever ses chaussures, ses chaussettes et ses fixe-chaussettes, et il la
dévisagea avec un grand sérieux tout en retirant les boutons de col et de
manchette de sa chemise de soirée.
    — Tu vas rester plantée là à me regarder ?
    — Je ne sais pas ce que je dois faire.
    — N’es-tu pas une enfant de la nature ?
    Elle n’avait jamais entendu les mots « enfant »
et « nature » prononcés avec un tel ton sarcastique.
    — Je ne sais pas ce que vous avez en tête.
    Il sourit de ses dents plates et jaunes.
    — Bien sûr que si.
    Il prit dans son armoire un cintre en bois
pour sa veste de smoking.
    — Enlève ta chemise de nuit, Geli, dit-il
sans se retourner.
    — Oncle Alf, je ne sais pas…
    — Fais ce que je te dis, dit-il du ton calme
et indulgent d’un professeur.
    Elle obéit. Elle était en chute libre et le
savait. Elle se sentait déterminée et indisciplinée, comme si elle chevauchait
une vague qui cherchait la mer, et que son flot sauvage effaçait toutes les
barrières, toutes les frontières, tous les gouvernements, les calendriers, les
projets et toutes les intentions. Dans sa tête une voix d’homme la traita de
grosse vache, alors elle éteignit le plafonnier de façon qu’il ne reste plus
que la lueur jaune des appliques. Puis elle se dirigea nue vers le haut et
large lit de plumes, et s’assit sur la courtepointe de satin or, les jambes
bien croisées.
    — Ne regarde pas, dit-il.
    Elle resta donc les yeux baissés le temps qu’il
débarrasse ses jambes maigres de son pantalon et le plie sur un cintre. Elle
avait oublié qu’il portait des caleçons longs en hiver. Elle aperçut des
morceaux de chair molle qui ballottaient tandis qu’il sautait et se débattait
pour s’extirper à grand-peine de ses sous-vêtements avant de les fourrer dans
un panier à linge. Surveillant sa nièce pour s’assurer de sa réserve, il prit
la pose comme lorsqu’il se faisait photographier en uniforme de Chemise brune, les
traits féroces, les poings serrés, rentrant son ventre mou et gonflant la
poitrine, la tête haute et arrogante.
    — Tu peux regarder.
    Elle le trouva grotesque, mais le cacha, et
cacha aussi qu’elle trouvait sa masculinité étrange et déroutante, car il

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