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La nièce de Hitler

La nièce de Hitler

Titel: La nièce de Hitler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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sujet, dit Hoffmann en s’asseyant
à califourchon sur une chaise. Tout à l’heure, un étudiant me disait qu’il
avait du mal à bachoter pour ses examens de droit. Je l’ai donc aidé en passant
en revue les différentes tactiques de défense pour obtenir un acquittement.
    Il prit une flasque d’argent martelé dans la
poche intérieure de son smoking et la tendit à la cantonade.
    — Quelqu’un veut du schnaps ?
    Il n’y eut pas d’amateurs. Il pencha la
flasque et la termina, puis la remit dans sa poche.
    — Il s’en est bien tiré au début, poursuivit-il.
Mais il avait oublié la folie. Alors je lui ai dit : « Allez, il en
reste une dont on parle tous les jours. Des criminels sont acquittés, non parce
qu’ils sont mineurs, ou parce qu’ils ont agi par légitime défense, mais parce
qu’ils sont… quoi ? » Le type a semblé perdu, puis son visage s’est
éclairé d’une lueur d’intelligence et il a dit : « Parce qu’ils sont
nazis ? »
    Heinrich Hoffmann partit d’un grand rire et s’assura
que sa fille, Geli et Eva partageaient son hilarité. Mal à l’aise, Baldur von
Schirach se tortillait sur sa chaise, et Hoffmann le regarda du coin de l’œil
avec agacement.
    — Il faut crever les abcès, Herr von
Schirach.
    — Je ne trouve pas cela drôle ni juste.
    — Le Führer, si.
    — Vraiment ?
    — Mais oui. Hitler a un formidable sens
de l’humour, n’est-ce pas, Geli ?
    Geli convint que son oncle aimait en effet s’amuser
du malheur des autres.
    — Nous allons tout le temps voir des
films de Charlie Chaplin, intervint Eva.
    — Vous n’allez pas au zoo voir les
primates ? demanda Geli.
    Eva fut sur le point de répondre quelque chose
de stupide, mais Hoffmann vint à sa rescousse.
    — Nous devons y aller, dit-il en se
levant.
    Schirach sourit.
    — Nous voulons vous voir danser le
charleston, Heinrich !
    — Oh, non, moi je danse le black-bottom. Il
doit y avoir un jeu de mots à faire avec ça. Je vais y réfléchir.
    Sur ce il prit Eva par la main pour traverser
tranquillement la piste de danse en direction du bar.
    — Au revoir, singesse !
    Eva lui lança un regard mauvais par-dessus son
épaule.
    — Quelle amabilité ! dit Henny.
    — C’est ma rivale.
    — Mais non !
    Geli se tourna vers Schirach.
    — Voulez-vous sortir avec moi ? lui
demanda-t-elle d’un ton grave.
    Il blêmit.
    — Mais je croyais que vous et Herr Hitler…
    — Tu vois ? dit-elle à Henny. Et
elle, elle va voir des films de Chaplin avec lui pendant que je reste toute
seule à la maison. Qui ne craint pas d’offenser mon oncle ? Qui peut
risquer de le rendre jaloux ? Oncle Alf m’a mise en quarantaine.
    Voyant qu’elle était au bord des larmes, Schirach
se leva galamment.
    — M’accordez-vous cette danse, Geli ?
    Elle regarda Henny, qui hocha furtivement la
tête, et écouta la chanteuse du Resi entamer Falling in Love Again. Elle
se leva.
    — Oui, volontiers, dit-elle. Merci.
    Schirach l’escorta jusqu’à la piste et lui
maintint doucement la taille en lui prenant la main droite. Tandis qu’ils
valsaient avec cinquante autres couples, elle sentit sa force et sa carrure, le
contraste fascinant entre son torse et ses pas agiles. Elle se sentit petite et
en sécurité, féminine et choyée. Elle n’y était pas habituée. Sa veste était
saturée d’eau de Cologne, et même ce détail lui plut. Elle leva les yeux vers
lui en souriant.
    — Je n’ai pas valsé depuis le lycée.
    — Je ne suis pas trop maladroit ?
    — Pas du tout. Vous êtes très gracieux.
    — C’est parce que mes parents étaient
dans le théâtre.
    — Les miens étaient dans la cuisine.
    — Vous êtes rigolote ! dit-il en
riant.
    Elle se surprit à compter ses pas, tout
empruntée, tandis que Schirach fredonnait avec la chanteuse. Il la guidait de
son ventre sans muscles.
    — Vous avez vu L’Ange bleu  ? demanda-t-elle.
    — Deux fois. Marlene Dietrich était
fabuleuse, vous ne trouvez pas ?
    — J’ai préféré Emil Jannings.
    — Oui, mais son Professor Unrath était si
vieux jeu et petit-bourgeois et triste. Je me disais : « Il incarne l’Allemagne
contre laquelle nous nous rebellons. »
    — Au moins il était amoureux. Elle était
si dure, si insolente, si sadique.
    — Ah, il y en a qui trouve cela…
    — Fascinant ?
    — Nous parlons encore de votre oncle ?
demanda-t-il en riant.
    Elle secoua la tête, puis l’approcha de la
poitrine

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