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La nièce de Hitler

La nièce de Hitler

Titel: La nièce de Hitler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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de son cavalier en chantant la fameuse chanson de Marlene Dietrich : Les hommes s’approchent de moi comme les papillons d’une flamme. Et s’ils se
brûlent les ailes, je sais que ce n’est pas ma faute. Aimer de nouveau. Je ne
voulais pas. Que dois-je faire ? Je n’y peux rien.
    La chanson se termina enfin, la chanteuse fut
généreusement applaudie, et Geli se sentit prise comme dans un faisceau par un
regard venant d’au-delà de la piste. Elle sut de qui il s’agissait mais s’abstint
de se retourner. Elle le força à s’humilier en franchissant toute la distance
qui les séparait, tel un émissaire furieux, sur un chemin qui s’élargissait au
fur et à mesure que les nombreux danseurs reculaient, ses chaussures résonnant
comme des semelles de bois dans le silence. Puis elle se retourna enfin, et vit
un visage blanc comme un malaise, réprimant la moindre trace de son courroux
par égard pour tous ses enfants qui assistaient à la scène.
    — Nous rentrons, dit Hitler.
    Schirach était encore jeune, il fut étonné.
    — Mon Führer, implora-t-il, il n’est que
dix heures. J’ai une voiture à ma disposition. Je pourrais la ramener chez vous
dans une petite heure, si vous voulez bien ?
    Mâchoires serrées, Hitler tint le grand
gaillard de vingt-deux ans dans son regard brûlant jusqu’à ce que la force d’âme
de Schirach, sa gentillesse, la rougeur de ses joues féminines, tout cela ait
disparu.
    — Elle est avec moi, dit-il, et la jeune
fille le suivit vers Rudolf Hess qui leur tendait leurs manteaux.
    Le trajet jusqu’à
Prinzregentenplatz s’accomplit dans un silence aussi imposant que celui d’un
musée fermé, la colère de son oncle tentant de défigurer tout ce qu’il
regardait de son œil courroucé, lui à l’avant, elle à l’arrière. Elle le
précéda dans l’escalier qu’elle monta quatre à quatre, et en arrivant dans l’appartement,
elle entendit Maria Reichert l’appeler.
    — Fräulein Raubal ?
    — Oui.
    — J’ai quatre messages pour Herr Hitler.
    Hitler entrait chez lui juste à ce moment. Il
lança un regard noir à sa nièce puis alla voir Frau Reichert tandis que Geli
suspendait son manteau, prenait une bière dans la cuisine et allait s’enfermer
à double tour dans sa chambre. Elle mit le Requiem de Verdi sur le
gramophone et sortit les canaris de leur cage, s’allongea sur le lit pour
regarder Honzi et Hansi voler à tire d’aile d’un mur à l’autre et se poser sur
les doigts qu’elle leur présentait, juste au-dessus de son visage. Elle les
embrassa sur le bec. Elle caressa leurs plumes de ses joues. Elle finit sa
bière.
    Elle entendait Hitler dans son bureau à côté, qui
braillait au téléphone sur Himmler, Göring et le Doktor Goebbels.
    — Jamais vous ne serez capable de penser
par vous-mêmes, tous autant que vous êtes ? hurlait-il.
    Le bruit qu’il fit en raccrochant lui était
destiné. Elle l’entendit bouillir dans le couloir juste devant sa porte, puis
il alla dans la bibliothèque et, tel un enfant, se mit à tambouriner l’ouverture
de Rienzi de Wagner sur le Bechstein blanc jusqu’à ce qu’elle retire l’aiguille
du « Chœur des esclaves » de Nabucco et que la paix revienne.
    Vêtue de sa robe de chambre de flanelle rose, elle
sortit de sa chambre, jeta un coup d’œil dans le couloir et fila dans la salle
de bains. Elle urina, se lava les mains, se mit de la crème sur le visage, fit
mousser sur sa brosse à dents la poudre Chlorodont de son oncle, puis ouvrit l’armoire
de toilette garnie de glaces au-dessus du lavabo et rangea ses affaires sur la
seconde étagère, la première étant celle de son oncle. Elle prit une serviette
dans le panier à linge en osier et frotta le robinet et les poignées chromés, essuya
les traces d’eau sur le miroir et la porcelaine. Elle remit la serviette en
place et souleva le loquet.
    Hitler était là, fragile et malheureux, toujours
vêtu de son smoking.
    — Ce n’est pas suffisant, dit-il en
tombant à genoux.
    Son visage s’aplatit contre la flanelle juste
sous le cœur de Geli, dont les battements étaient à présent aussi sonores que
les pas de son oncle dans l’escalier.
    — Oh, Geli, ce n’est pas suffisant, répéta-t-il.
Ce n’est pas suffisant.
    — Quoi donc ?
    — Ça.
    — Notre relation ?
    — Nous n’avons pas de relation !
    Elle sentait sa mauvaise humeur dans son
souffle humide, et se surprit à caresser doucement ses cheveux

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