La nièce de Hitler
l’estime vouée aux membres du parti
national-socialiste.
Arborant son bonnet de laine tout neuf, Léo, qui
accompagnait fièrement son oncle en voiture dans sa tournée des villes
bavaroises, entendit Hitler prendre la parole le 27 janvier dans douze immenses
rassemblements publics, n’offrant aux Allemands que deux choix, soit l’étoile
rouge du communisme, soit la croix gammée du national-socialisme. À son retour,
Léo décrivit à sa famille l’enthousiasme fanatique du peuple pour Hitler et son
propre saisissement en voyant six mille SA observer un garde-à-vous rigide
pendant le discours d’Hitler sur l’esplanade du Marsfeld balayé par le vent, résistant
au froid féroce par la seule force de leur volonté. Röhm veilla à ce que Léo reçoive
une copie de ce discours, et dans l’appartement viennois, celui-ci allait
répéter les propos d’Hitler aux SA. « Vous qui combattez à nos côtés ne
pourrez pas gagner de nombreux lauriers, encore moins de grands biens matériels.
En effet, il est plus probable que vous finissiez en prison. Mais vous devez
vous sacrifier. Celui qui aujourd’hui est votre chef doit être avant tout un
idéaliste, ne serait-ce que parce qu’il dirige ceux que le monde essaie de
détruire. Mais je veux rêver. » La foule était en extase. Ensuite, raconta
Léo, Hitler l’avait emmené au très chic salon de thé du Carlton dans
Briennerstraße, où il s’était entretenu avec ses intimes d’une foule de sujets.
— Tout le monde écoute respectueusement
la moindre de ses paroles. Quel personnage extraordinaire ! dit le jeune
garçon à Geli et Angela.
Cette dernière n’entendit plus parler de son
demi-frère avant novembre 1923, quand elle lut dans un journal autrichien que
le général Erich Ludendorff et Adolf Hitler avaient fait une tentative de putsch
en Allemagne.
Le jeudi 8 novembre au soir, les ministres du
cabinet projetant de restaurer la monarchie Wittelsbach en Bavière
participaient à un meeting à la Bürgerbräukeller. Là, trois mille personnes
attablées devant une chope de bière – qui coûtait alors un milliard de marks – écoutaient
le discours quelque peu soporifique du Commissar Gustav von Kahr contre le
communisme. À vingt heures trente précises, le capitaine Hermann Göring envahit
la salle avec vingt-cinq SA armés de mitrailleuses. Des femmes hurlèrent, des
tables furent renversées, des pichets de bière rebondirent sur le sol, et les
hommes qui tentaient de s’enfuir furent stoppés. Vêtu d’une queue-de-pie noire,
comme pour un mariage chic, Hitler s’avança vers la tribune, se jucha sur une chaise
et tira en l’air avant de s’écrier :
— Silence ! La révolution nationale
a éclaté ! La Reichswehr est avec nous, et la salle est cernée !
Ensuite Hitler ordonna au général de la
Reichswehr Otto von Lossow, le commandant militaire de Bavière qui était, pensait-il,
un allié, au colonel Hans von Seißer, chef de la police de l’État, et à Gustav
von Kahr, le chef du gouvernement, de le suivre dans une salle voisine. Il leur
proposa à tous des postes de haut niveau dans un gouvernement populaire
national qui mettrait l’ancien intendant général d’armée Erich Ludendorff, âgé
de cinquante-huit ans, à la tête d’une grande armée nationale, laquelle
marcherait sur Berlin, tout comme Benito Mussolini et ses Chemises noires
avaient marché avec succès sur Rome treize mois auparavant. Tous trois étaient
des aristocrates d’âge mûr, haut placés dans la Reichswehr, et regardaient cet
ancien caporal de trente-quatre ans avec mépris. Hitler avait montré son
browning en prononçant ces mots :
— Il contient encore quatre balles :
trois pour vous, mes collaborateurs, si vous m’abandonnez, et une pour moi si j’échoue,
avait-il poursuivi en plaçant son arme contre sa tempe.
Sur ce, un Ludendorff furieux arriva en grand
uniforme, arborant toutes ses décorations. Même s’il pensait qu’Hitler avait
été trop loin de façon unilatérale, il était persuadé qu’un changement
révolutionnaire était nécessaire en Allemagne, et il désirait avoir une
conversation privée avec les trois politiciens pour réfléchir à des compromis.
Hitler revint sur l’estrade sous les sifflets,
les huées et les lazzis, mais il commença par assurer à la foule que les
ministres étaient à présent derrière lui à cent pour cent, puis, avec sa
roublardise et son sens inné de la psychologie
Weitere Kostenlose Bücher