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La nièce de Hitler

La nièce de Hitler

Titel: La nièce de Hitler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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lui
répondre. Ce n’est que lorsqu’elle fut montée dans la Selve qu’il lui fit face
pour lui dire, sans parvenir à ravaler totalement son amertume :
    — Je n’ai pas d’amis.
    Et il se retourna pour démarrer la voiture.
    Ce même jour, après
avoir chanté Le Messie à l’église des Théatins avec les garçons du
Wilhelmsgymnasium, les choristes de Seraphim étaient censées passer la soirée à
se promener dans la vieille ville, mais lorsque Geli monta dans sa chambre
après le concert, elle trouva un message disant que son oncle prenait la parole
à la Hofbräuhaus am Platzl, et qu’il souhaitait qu’elle vienne l’écouter. Et qu’elle
porte ses nouveaux vêtements. Après bien des hésitations, son professeur lui
donna la permission d’y aller, et Geli était en train de bavarder avec Ingrid
et quatre autres amies devant l’hôtel Königshof lorsque la Mercedes Compressor
rouge d’Hitler, aux lignes harmonieuses et au moteur surcomprimé, vint se
ranger souplement le long du trottoir. Ses amies en restèrent bouche bée, et l’envie
se peignit sur leur visage lorsqu’elles virent le bel Emil Maurice se
précipiter pour lui ouvrir galamment la portière arrière droite. Elle monta
dans la voiture en feignant un air majestueux et leur adressa un salut de
souveraine comme la Mercedes démarrait, les laissant à leur promenade de
lycéennes autour de Marienplatz et des stands fermés du Marché aux victuailles.
    Penché vers la vitre opposée pour lire un
papier à la clarté faiblissante de ce début de soirée, son oncle ne lui accorda
pas un bonsoir. Avec son grand chapeau mou de velours gris, son costume de
lainage gris, sa chemise blanche à col souple et sa cravate neutre, ses
lunettes qu’il remontait sur le nez et ses sourcils froncés sur ses notes, il
avait tout d’un financier.
    À côté du chauffeur était assis un Russe blanc
qui se tourna vers Geli et se présenta dans un allemand impeccable comme Alfred
Rosenberg, rédacteur en chef du Völkischer Beobachter, le journal du
Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei, lui expliqua-t-il, ce qu’elle
savait déjà. C’était un veuf de trente-deux ans, élégant, aux cheveux bruns
excessivement brillantinés, mais il avait également le teint terreux, une odeur
désagréable, l’air sérieux et imbu de lui-même sans raison apparente, et Geli
ne tarda pas à remarquer qu’il vénérait Hitler, lequel ne faisait absolument
pas attention à lui.
    — Avez-vous déjà entendu votre oncle
prendre la parole, Fräulein Raubal ?
    — Ma mère dit qu’il s’y essayait déjà
quand il était petit.
    — Très drôle, dit-il sans rire. Puis, se
tournant avec adoration vers Hitler : Ah, là, là, quel orateur ! Votre
oncle vaut tous les opéras !
    Elle le regarda. Hitler se contenta de tourner
une page.
    — Mon talent à moi, c’est l’écriture, dit
Rosenberg.
    Elle sentit une ellipse qu’il souhaitait voir
remplir.
    — Je peux être indiscrète ?
    Son oncle émit un petit rire, mais continua à
consulter ses notes.
    — Oh, seulement des articles et des
opuscules, jusqu’à présent, répondit Rosenberg. Die Spur der Juden im Wandel
der Zeiten – La Trace des Juifs à travers les âges –, ça vous dit quelque
chose ?
    Elle secoua la tête.
    — Dernièrement, j’ai travaillé sur un
livre traitant de la nécessité biologique de la guerre. Bientôt l’esprit du
sang se fera connaître et la révolution mondiale balaiera toutes les
falsifications lorsque l’âme de la blonde race nordique se réveillera sous le
signe de la croix gammée.
    Elle ne l’écoutait guère, pétrifiée par son
haleine fétide.
    — Mais lequel d’entre nous est blond ?
demanda-t-elle.
    Rosenberg se retourna vers la route.
    — Vous ne comprendriez probablement pas
mes opuscules. Ils ne sont pas destinés aux femmes. Trop scientifiques.
    — Herr Rosenberg est l’intellectuel du
parti, déclara Hitler sans aucune ironie.
    Emil Maurice déplaça discrètement le
rétroviseur afin de la voir, lui sourit avant de changer de file pour dépasser
une voiture de quatre saisons tirée par un cheval, puis l’observa de nouveau. Il
sourit. Remarquant qu’Emil la regardait, elle s’assit bien droite, le cou raide,
les mains sagement jointes, et l’air dégagé, du moins l’espérait-elle.
    La foule commençait à remplir la Hofbräuhaus
quand ils y arrivèrent. Hitler se hâta de cacher ses lunettes alors que vingt
jeunes SA

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