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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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Conseil d’amirauté tint sa première séance à la préfecture sous la présidence de l’Empereur et de l’amiral Martin. Napoléon est assis au bout de la table. Il a les traits brouillés, l’œil vague. Il semble somnoler, mais s’éveille quand l’amiral Martin prend la parole et indique qu’il a recensé tous les moyens d’embarquement pour l’Amérique. « Le seul homme qui offre des garanties sérieuses est le capitaine Baudin, commandant de la frégate la Bayadère dans la rivière de Bordeaux. »
    Napoléon lève son regard sur Martin, sur ce visage de bonze glabre aux yeux clos, aux méplats creusés de rides profondes comme les vagues qu’il a chevauchées toute sa vie.
    —  Je connais Baudin, c’est le seul homme capable de conduire Sa Majesté saine et sauve en Amérique du Nord. Il a un bon bateau et pour l’instant il n’est pas cerné par la croisière anglaise. Il se tient prêt au départ.
    —  On le dit de conviction républicaine, dit Bonnefous.
    —  C’est un homme, tonna Martin
    —  Quel genre d’homme   ? s’enquit Napoléon.
    Et Martin brossa un portrait de Baudin, à peu près conforme à celui que nous en a donné Jurien de la Gravière   :
    « D’une stature élevée, respirant la force impétueuse et sanguine, impérieux avec bonhomie. Une grande faconde, une sorte d’emphase militaire, un courage de gladiateur dans un corps d’Hercule. »
    —  Je me porte garant du capitaine Baudin, il a perdu un bras en 1808 dans l’attaque de la Sémillante. Il a eu six blessures au service de Votre Majesté, on peut se fier à son courage et à sa fidélité. Je réponds de lui comme de moi-même, c’est une sorte de Kléber marin.
    L’Empereur fut sensible à l’image et se tournant vers le préfet   :
    —  Monsieur le baron, voulez-vous envoyer un courrier à Baudin ce matin   ? Dès que je connaîtrai sa réponse, le général Lallemand ira le voir.
    Le roi Joseph était depuis 1806 un des grands maîtres des Loges maçonniques de France. Quand il visitait les provinces, il avait coutume de descendre chez le vénérable de la Loge, et il était reçu avec les honneurs dus à son grade et à son trône.
    François Pelletreau, le vénérable de la Loge « L’Aimable Concorde   » de Rochefort (en maçonnerie, frère Adolphe la Foi) était un des gros exportateurs d’eau-de-vie de l’Aunis, et il avait pour principal client les États-Unis d’Amérique. Il était président du jury du Commerce de Rochefort, il jouissait de l’estime et de l’amitié de ses concitoyens. Ce vénérable vénérait Napoléon et prêtait une oreille attentive aux doléances du roi d’Espagne.
    —  Je n’ai aucune confiance en Philibert. C’est un royaliste qui veut de l’avancement. Il fera tout pour retarder le départ. Il faut absolument trouver un moyen pour faire évader l’Empereur.
    —  Je connais ce moyen, dit le frère Adolphe la Foi. Et j’ai l’homme sous la main.
    —  Quel moyen   ? Quel homme   ?
    —  Les moyens ce sont les bateaux-citernes. L’homme s’appelle Jean Victor Besson.
    —  Qu’est-ce qu’il fait   ?
    —  Il est lieutenant de vaisseau à l’état-major. Je le verrai ce soir.
    —  Je vais rejoindre l’Empereur à la préfecture. Je reviendrai vous voir après souper.
    Le lieutenant de vaisseau Besson a trente-cinq ans. Il est « robuste et élancé, les cheveux longs et soyeux, les yeux clairs   ». Il est romantique et volubile, mystique et aventureux, toujours prêt, dit Bonnefous, à donner son cœur et à vendre sa peau. Besson a trois passions   : l’Empereur, la guerre et sa femme.
    Il entre   : « bottes à l’écuyère, veste de coutil blanc, culotte de peau, chapeau cylindrique, un poignard de nacre au côté. »
    —  Asseyez-vous, lieutenant, voulez-vous un verre de cognac   ?
    Jean Victor Besson grimaça   :
    —  M. Pelletreau, je suis devenu comme ces cueilleuses de jasmin qui sont réfractaires à tous les parfums. Moi, l’odeur des cuves m’a immunisé contre la tentation.
    —  Alors un pineau   ?
    —  Avec plaisir.
    —  Voilà pourquoi je vous ai demandé de venir me voir. Je vous ai promis de vous avancer vingt mille francs pour votre chargement. Les voilà...
    Besson s’était levé, frémissant   :
    —  Merci, oh merci   !
    —  Vous me les rendrez à votre retour de New York. Quand assurez-vous le chargement ?
    —  Demain ou après-demain. C’est la maison Roy et Brig

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